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Affichage des articles du 2012

Bergson et la physique quantique

Il est notoire que Bergson s'est trompé quant à son interprétation de la relativité restreinte (dans « durée et simultanéité »). En effet Bergson n'accepte pas qu'il puisse exister une multiplicité de durées vécues. Pour lui le temps mesuré du physicien est simplement un artefact de calcul, mais il faut réintégrer l'ensemble dans un temps vécu universel qui est le seul véritable temps, et qui est le même pour tous. Enfin, il pense que le vieillissement est qualitatif, est en tant que tel appartient à ce temps vécu. La conclusion du paradoxe des jumeaux serait donc fausse. Il faut bien voir que la compréhension qu'a Bergson de la relativité n'est pas si naïve, et de fait, il est parfaitement possible de réintroduire un temps absolu en relativité restreinte (simplement en fixant un référentiel privilégié). C'est d'ailleurs exactement ce qui se produit quand on passe à la relativité général : un temps cosmologique unique émerge (celui qui nous permet de p...

Réalisme et signification

Peut-être le dernier article a pu laisser planer un doute quant au réalisme de la position que j'y défend. Y a-t-il un sens à dire que, par exemple, le concept d'or est socialement construit ? Est-ce à dire, par exemple, qu'il aurait pu ne pas correspondre au numéro atomique 79, mais soit qu'il aurait pu avoir un numéro atomique différent (comme si le monde se modifiait quand on faisait des découvertes), soit qu'il aurait pu être décrit pas une théorie alternative complètement différente, incommensurable à celle que nous connaissons ? Les atomes d'or avaient-ils déjà 79 électrons du temps d'Archimède (existaient-ils seulement) ? Ou bien encore, est-ce qu'une espèce intelligente différente de la notre aurait une représentation différente de la notre des composés chimiques, comme l'or ?

Putnam et l'externalisme de la signification

Dans son célèbre article « the meaning of meaning », Putnam présente sa théorie de la signification. Comme il l'explique, on comprend généralement, à propos d'un terme, son intension (c'est à dire ce que recouvre le concept pour une personne donnée, sa signification) et son extension (ce à quoi il s'applique dans le monde). L'internalisme classique veut que de connaître la signification d'un terme corresponde strictement à des états mentaux internes , d'une part, et que cette signification détermine entièrement son extension d'autre part. Pour autant que je sache ce qu'est de l'eau, il suffit de savoir ce que j'ai dans la tête quand je dis « de l'eau » pour savoir exactement ce que ce terme signifie, et ce qu'il recouvre dans le monde,. Voilà qui paraît censé, mais Putnam pense que ce n'est pas le cas. D'une part, affirme-t-il, la restriction des états mentaux à quelque chose d'interne aux personnes n'est pas lié à ...

Faut-il vraiment avoir des opinions politiques ? (Réédition)

J'ai argumenté il y a un certain temps que nous ne devrions pas nécessairement avoir d'opinions politiques définitives, parce qu'elles ne sont pas vérifiables, faute d'une information suffisante. Je pense aujourd'hui que le problème est bien plus profond : même correctement informé, il peut être impossible de se faire une opinion définitive, pour la raison simple que celles-ci tendent à être performatives et qu'il ne peut y avoir, en conséquence, de faits bruts. Ceci tient à l'absence d'une réelle dichotomie entre faits et valeurs. Ainsi plutôt que de s'abstenir d'avoir des opinions, ce que je maintenais à l'époque (et encore aujourd'hui en une certaine mesure) devrions nous assumer pleinement le caractère valuatif de celles-ci.

L'impossible réduction de nos états mentaux

Pour la plupart d'entre nous, la "réalité" est constituée de personnes, d'objets manufacturés, de bâtiments, d'êtres vivants, de paysages, de pensées, d'émotions, de dialogues, d'activités, d'institutions, de règles, de symboles et d'objets symboliques (comme l'argent), de pays, de cultures, etc. Y a-t-il un sens à dire que cette réalité est une illusion ? Je ne le pense pas. Pourtant certains affirment que la réalité est en fait constituée de "particules (ou champs) matériels dans l'espace temps, point". Et par "point", ils entendent nous dire qu'il n'y a rien de plus, c'est à dire que toutes ces choses qu'on croit naïvement être les constituants du monde, en fait, n'existe pas vraiment, que ce sont des formes d'illusions. Bien sûr ces personnes n'habitent pas un autre monde que le nôtre, et je doute que leur quotidien soit affecté d'une manière ou d'une autre par ces affirmati...

Why Quantum Mechanics Matters

J'ai été un peu occupé ces derniers temps, entre autre à la finalisation de cet article (en anglais) qui n'est en fait que l'approfondissement de ce billet . Je compte le soumettre bientôt, les commentaires sont plus que bienvenus. Un commentaire récent sur ce vieux billet m'invitait à répondre à un appel à contribution du bulletin métapsychique (parapsychologie) sur le thème de l'élusivité. J'ai un point de vue mitigé sur la parapsychologie (que je détaille dans le billet en question) et ce n'est pas non plus mon sujet de prédilection. J'ai quand même proposé un article, dans lequel le sujet imposé me sert plutôt de prétexte à exposer mes thèses en philosophie de l'esprit (bien qu'honnêtement les liens existent). J'y expose également, succinctement, ma vision de la parapsychologie. L'article a été accepté sous condition de révisions assez importantes (notamment de résumer plus succinctement mes thèses, de dissiper certains malentend...

Dichotomie fait/valeur, "looping effect" et objectivité

Existe-t-il des « faits » purs ? Imaginez que quelqu'un vienne vous voir et vous dises de but en blanc « Napoléon est mort en 1821 ». Vous lui demanderiez une explication. La phrase, prise isolément, semble dénuée de sens. Le langage n'est jamais purement l'énonciation de faits, il vise un but et s'inscrit dans un contexte. Ainsi la même phrase peut valoir pour la récitation d'une leçon, pour répondre au questionnaire d'un jeu de société, pour situer le personnage historiquement dans le cadre d'une discussion historique, ou pour un autre but suivant le contexte. Bien sûr la phrase reçoit tout de même une interprétation minimale (on parle bien a priori du personnage historique, de la date de sa mort), même énoncée de but en blanc, mais cette interprétation reste spéculative et demande une explication. Il se pourrait même qu'on ait mal entendu ou que ce ne soit pas du tout ce qu'on pensait : la phrase ne prend sens que dans un contexte, et dans un co...

Une défense incompatibiliste du libre arbitre

On retrouve chez certains bloggers américains (par exemple le biologiste Jerry Coyne ) un argumentaire visant à nier l'existence du libre arbitre sur la base de nos connaissances scientifiques. Les billets portant sur le sujet sont prétexte à nombreux débats, et notamment des réponses argumentées de philosophes. Cependant la quasi-totalité des réponses que j'ai pu lire sont compatibilistes , c'est à dire qu'elles entendent nier que le déterminisme allié au naturalisme soit un problème pour le libre arbitre. On peut vivre dans un monde obéissant à des lois strictes et néanmoins être libre. Ces réponses ont souvent le bon goût de rappeler que la liberté n'est pas si facilement aliénable, et qu'il y a un monde entre nos représentations physiques de la nature et notre existence d'être humain. Cependant à mon sens elles n'en tirent pas assez les conséquences quant aux rapports qu'entretiennent ces existences humaines et le monde physique, et de ce fait ...

La connaissance naturalisée

Certains billets récents nous ont permis de voir qu'on peut identifier la conscience, abstraction faite de ses aspects phénoménaux, à l'instanciation de connaissances (compris comme quasi-synonyme de croyances), et la connaissance instanciée dans un comportement à l'union d'un mécanisme fonctionnel et d'une intention. Dans une perspective naturalisante, comment identifier la connaissance dans le monde d'un point de vue extérieur ? La question n'est pas évidente si, comme nous l'avons vu, la connaissance réunit deux aspects contradictoires, l'un mécanique et l'autre intentionnel, dont le second justement échappe par principe à un point de vue extérieur. C'est donc paradoxalement le mécanisme, sous réserve de lisibilité, qui révèle l'intention, précisément parce que tout aspect mécanique est relatif à un fondement de connaissances préexistantes, qu'il ne vient jamais de nulle part. Il s'en faudrait d'un hasard extraordinaire ...

L'arbre de la vie

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Pendant les vacances, j'ai eu le temps de créer cet "arbre de la vie". Reprenant un ancien dessin que j'avais fait il y a quelques années, et suivant le même principe : plutôt que de vouloir être équilibré et représenter des espèces de toutes les familles (donc énormément d'insectes et de bactéries et juste quelques mammifères), ce qui donne un arbre illisible, ou plutôt que de se restreindre aux grandes classes pour proposer une vision globale mais manquant de précision, il s'agit de prendre un parti résolument subjectif et anthropocentrique, mais qui offre un bon compromis entre la profondeur de l'arbre et sa clarté : ne montrer que les espèces "connues". Ici j'ai poussé le principe un peu plus loin encore : en ne représentant que les espèces "vraiment connues" (exit le gecko ou le triton) et parfois en omettant des espèces dont chacun sait qu'elles sont apparentées (comme le poney au cheval, le caribou au renne), afin de...

Pour un platonisme émergent

La querelle sur les universaux est peut-être le plus vieux clivage de la philosophie, puisqu'elle remonte aux Idées de Platon et à la critique qu'en fait Aristote. On la retrouve en filigrane dans les débats sur l'empiricisme et le rationnalisme, l'idéalisme et le positivisme, et encore aujourd'hui entre réalistes et instrumentalistes, c'est à dire qu'elle traverse toute l'histoire de la philosophie occidentale. D'un côté le nominalisme semble la position la plus tenable. On se demande bien où pourraient habiter les universaux, dans quel autre monde, si ce n'est dans nos têtes, et à l'évidence nos mots découpent le réel , parfois de manière inadéquate, arbitraire, en tout cas souvent réductible. Si je casse le pied d'une chaise, en est-ce toujours une, et en combien de morceaux me faut-il la casser pour affirmer que l'universel « chaise » n'y habite plus ? Alors bien sûr l'idée de chaise ne peut exister qu'en nos esprits...

Connaissance, causalité

Rappelons que cette série d'articles a pour but de définir la conscience, au delà des aspects phénoménaux, comme faculté cognitive. Nous avons vu que tout état conscient est aussi connaissance de quelque chose (en un sens large regroupant croyances et valeurs), et que toute connaissance s'exprime par un état conscient. Ceci nous permet d'identifier la conscience à l'utilisation ou l'instanciation de la connaissance, et ayant relégués les aspects phénoménaux à un problème métaphysique en amont, d'affirmer qu'il n'y a rien de plus à en dire. Nous sommes parvenu en conclusion à l'observation que la connaissance est en quelque sorte l'union du mécanisme et de l'intention, puisqu'il faut qu'il y ait un élément systématique pour qu'une connaissance puisse être révélée, mais aussi qu'il relève d'une intention. Je souhaite maintenant développer ce dernier point.

La conscience est connaissance (suite)

Nous avons vu dans le billet précédant que tout état conscient peut être a priori interprété en terme de connaissance. La thèse inverse pourrait sembler absurde (comment, ne sais-tu pas ce que tu vois, ce que tu entends, ce que tu penses ?) mais il n’est pas exclu que l’expérience consciente puisse revêtir un aspect ineffable et élusif : la connaissance serait donc plutôt ce qu’il y a à tirer de nos états conscients, leur formalisation. En effet on pense généralement (et notamment suite à l’argument de Wilfried Sellars contre le “mythe du donné”) que la connaissance peut s’exprimer sous forme de prédicats, qu’elle peut donc être formalisée, quand bien même les significations à la base des prédicats seraient en un certain sens holistiques, c’est à dire non pas définies absolument (ni données), mais plutôt relativement les unes par rapport aux autres, de manière à ce que l’ensemble de nos significations et connaissances forme un tout inséparable, confronté unitairement au réel. Cette con...

La conscience est connaissance

On associe souvent la conscience au fait d’avoir une expérience phénoménale. J’ai pu défendre par ailleurs le panexperientialisme, qui veut que tout système matériel soit lieu d’expériences phénoménales. Est-ce à dire que tout objet est conscient ? Voilà qui semble absurde. En fait je pense qu’il faut décorréler la question de la phénoménalité de la conscience. Il faut voir la conscience comme un mode particulier d’existence phénoménale permettant de rendre compte des aspects phénoménaux, de les mémoriser et de les rapporter, mais n’ayant pas l’exclusivité de la phénoménalité, qui est en fait un aspect de la matérialité en général. Cette position offre plusieurs avantages, et notamment le fait de pouvoir s’accorder en tout point avec le fonctionnalisme ou le physicalisme, tant qu’il n’est question que de cognition, de conscience “à la troisième personne” (considérée d’un point de vue extérieur comme un ensemble de capacités) et par exemple avec les analyses de Dennett, sans pour aut...

La philosophie de l'esprit contemporaine est-elle à côté de la plaque ?

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N'ayant pas reçu de formation universitaire en philosophie, j'ai toujours à coeur de me mettre à niveau sur la recherche contemporaine. C'est la promesse que me faisait miroiter l'ouvrage "la philosophie de l'esprit" de Michael Esfeld : un résumé succinct des discussions ayant eu cours lors des dernières décennies en philosophie de l'esprit, sous forme de différentes leçons, résumées et suivie d'exercices. L'auteur prévient en introduction qu'il s'agit de l'approche d'une personne non neutre ("trahissant la manière dont l'auteur évalue ces arguments"). Le compte rendu des débats contemporains donné par l'ouvrage m'a semblé malgré tout objectif, détaillant précisément différentes options opposées sur de nombreux problèmes, bien qu'il me soit difficile de juger de son exhaustivité. Je le conseille donc à toute personne que le sujet intéresse.

De quoi parle-t-on quand on parle de la conscience ?

Il y a la désormais célèbre distinction de Chalmers entre le problème "facile" de la conscience et le problème "difficile". Le premier fait référence à la conscience comme faculté cognitive, le second comme expérience phénoménale. Quand j'affirme que la conscience n'est pas un phénomène physique , c'est à la seconde que je fais référence, et l'aspect purement cognitif de la conscience a sans doute été assez largement ignoré sur ce blog. Je m'y propose d'y remédier en partie dans cet article. Le problème facile est facile parce qu'il est un problème "à la troisième personne" (c'est à dire pouvant être formulé objectivement), et en tant que tel, peut être formulé comme un problème empirique : quels sont les mécanismes neurologiques qui permettent à un organisme de réagir comme un être conscient, de planifier, de communiquer, etc. Le problème difficile est difficile parce qu'il ne s'agit pas d'un problème scienti...

Bergson contre Dennett

A première vue tout oppose l'approche analytique de Dennett et l'approche plutôt phénoménologique de Bergson. J'ai été surpris, pourtant, en lisant dans la foulée ces deux auteurs que plus d'un siècle sépare, de constater de multiples points communs ("la conscience expliquée" et "essai sur les données immédiates de la conscience").

Temporalité des états conscients chez Dennett : une interprétation quantique

Dans "la conscience expliquée" Daniel Denett relate les expériences suivantes : si on montre à un sujet deux points lumineux de couleur différente, légèrement distants l'un de l'autre et s'allumant successivement sur un intervalle de quelques dizaines de millisecondes, le sujet semble voir un seul point se déplaçant et changeant de couleur précisément au milieu des deux points réels. Ce qui est paradoxale dans cette expérience, c'est qu'au moment où le point est censé être, pour le sujet, au milieu de son trajet, le sujet n'a pas encore vu le second point. Or si le second point n'apparait pas, l'illusion du mouvement n'a pas lieu. Le sujet a donc conscience d'un événement qu'il place logiquement dans le temps avant qu'il n'ait pu réellement avoir conscience phénoménale de cet événement.

Le problème corps-esprit

Le problème corps-esprit n'est pas le problème de ma conscience, qui pour sûr existe telle qu'elle m'est donnée, mais le problème de celle de l'autre. On peut considérer que tant que je n'ai pas résolu le problème corps-esprit, je suis solipsiste. Mais attention, si l'on inclut la description scientifique dans un monde de signification qui m'appartient (que je m'approprie), qui est "mon monde conscient", pour moi "le monde", la problème de l'autre n'est pas de l'inclure dans ce monde, puisqu'il est lui même par hypothèse un monde de signification qui m'échappe et non une partie de moi même. Le problème corps-esprit est donc mal posé s'il consiste à vouloir enfermer l'autre en moi même. Mais si on conçoit chaque signification comme un mode d'interaction avec une altérité, chaque élément de mon monde comme une ouverture, la question devient de savoir si je suis à un moment donné en train d'interag...

La concurrence des états est-elle souhaitable ?

Il est question ces derniers temps de crise européenne et de réduction des dettes publiques des états. Or la crise qui touche les pays du sud de l'Europe serait due, entre autre, à un effet de la concurrence allemande qui baisse les coûts du travail afin de favoriser son activité économique, au détriment de celle des autres pays (et de ses citoyens). A l'évidence, la conduite de l'union européenne a délibérément mis en place un "marché des états", c'est à dire une concurrence fiscale, par l'adoption d'une monnaie unique sans contrepartie d'harmonisation fiscale ou de mutualisation des dettes et sans possibilité d'utiliser le levier monétaire, et les perdants de cette mise en concurrence en font aujourd'hui les frais. On les prie de rentrer dans le rang, de devenir eux aussi compétitifs. A la clé, une optimisation des services publics, plus efficaces et moins couteux, et bien sûr, le retour de la croissance économique. On vante généralem...

L'expérience consciente comme confrontation du monde à un référentiel

Nos expériences ne sont pas faites de nouvelles couleurs ou de nouveaux sons, ce sont des combinaisons de celles et ceux qu'on connaissait déjà. Elles sont aussi faites d'objets que nous reconnaissons. Ainsi le concret , dans ses variations, ne nous apparaît (et ne peut être compréhensible, donc conscient) que dans des termes pré-existants, connus , même si leur combinaison est nouvelle. Il y a donc deux pôles dans l'expérience consciente : moi et le monde ; "moi" est le pôle de stabilité, le référentiel, tandis que le monde est ce qui varie autour. Ce dont j'ai conscience, ce n'est pas de moi, du référentiel, mais bien du monde, et en ce sens, je suis un point de vue sur le monde, un oeil qui ne se voit pas lui-même (bien sûr je parle ici du moi conscient, pas du moi comme individu social qui est finalement lui aussi un objet de mon monde, bien que particulier)

La croyance en Dieu comme mode d'être ?

Partant de l'idée que nos croyances sont autant des descriptions de la réalité que des bases pour l'action, qu'on ne peut jamais en faire de pures descriptions dénué d'aspect interactifs et contextuels parce que nous sommes toujours situé dans le monde (comme le montre notamment la résistance de la physique quantique au réalisme), on peut se demander en quelle mesure la croyance en Dieu pourrait être justifiée, comme le pensais William James, sur la base pragmatique de son efficacité. Il s'agit d'y voit non pas une représentation de ce qui existe, mais simplement une manière d'être. Ceci suit également, en un sens, l'idée de Kant qui en fait un postulat de la raison pratique. Bien sûr une telle idée de Dieu est assez éloigné de la lecture qu'en ont beaucoup de croyant. Il s'agit d'en faire non pas une entité réelle, mais plutôt une idée directrice, une visée, notamment dans le domaine de l'éthique. Mais au fond elle n'est pas si élo...

Le vrai, le bien

La conscience est un mouvement du passé vers le futur, intégrant perception et action de manière d'autant plus indistincte qu'on est en son centre. Ainsi nos mouvements volontaires se distinguent nettement de nos sensations visuels, mais qui peut dire en quelle mesure on décide d'une pensée et en quelle mesure on la perçoit ? Pour autant toute perception, y compris visuelle, est aussi une action : celle de diriger son attention sur un élément et d'en exclure les alternatives, et toute action, y compris motrice, est aussi une perception de cette action. Le vrai et le bien naissent dans le temps La représentation comme unité d'interaction avec le monde est donc tout ce qui existe en notre conscience. Mais déjà cette unité comprend deux pôles : moi et le monde, d'où naissent deux directions : le passé et le futur (ce qui vient du monde et ce qui vient de moi ; pour un approfondissement de ce modèle phénoménologique, voir mon article publié dans neuroquantology ...

Le naturalisme

Le naturalisme est la restriction des explications possibles aux causes naturelles, à l'exclusion, donc, des causes surnaturelles. Sous sa forme méthodologique, il est sans doute la pierre angulaire du savoir scientifique. Mais qu'entend-on exactement par "naturel" ou "surnaturel" ? Si on entend par naturel "ce qui peut être scientifiquement expliqué", alors la définition semble circulaire, à moins de définir plus avant la nature de l'explication scientifique et ce à quoi elle se restreint.

La synchronicité (note de lecture de la correspondance entre Pauli et Jung)

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Difficile de faire une note de lecture d'un livre qu'on a plutôt survolé que lu, et qui plus est quand il ne s'agit pas d'une oeuvre à proprement parlé mais d'une correspondance. Je ne peux donc évidemment pas me permettre d'en juger comme on juge d'un travail abouti, et me contenterait de faire quelque remarques sur le thème de la synchronicité (qui a motivé ma lecture) et sur l'intérêt que j'ai trouvé à cette lecture.

L'émergence

Revenons en détail sur une notion que nous avons évoqué plusieurs fois récemment : l'émergence. On résume l'émergence en affirmant que "le tout est plus que les parties". Elle sert principalement à combler le fossé explicatif qui existe dans les sciences du vivant ou encore en philosophie de l'esprit : il semble bien qu'un organisme biologique soit plus qu'un agencement de molécules, à plus forte raison quand on le suppose conscient, dans la mesure où il dispose d'une certaine cohérence, d'une hypothétique unité psychologique, et interagit globalement avec son environnement. Mais cette notion est en fait problématique, quelle que soit la version (forte ou faible) qu'on en choisit.

Vers quoi convergent les théories scientifiques ?

Dewey distingue la généralité de l'universalité. Le général, c'est une classe d'objet (par exemple les oiseaux) qui possèdent des propriétés communes, mais dont la liste des membres est contingente (on pourrait découvrir demain une nouvelle espèce d'oiseau). L'universel, au contraire, correspond à une classe (comme les types de triangles) dont la liste des éléments est nécessaire, dérivable logiquement, puisqu'il s'agit plutôt d'une structure mentale correspondant à une façon d'interagir avec le monde. Les grandes évolutions scientifiques remplacent le général par l'universel, éliminant les aspects contingents des théories pour en faire de simples circonstances particulières. Ainsi les espèces animales ne sont que les branches d'un unique arbre généalogique. Les dizaines d'atomes de la chimie ne sont plus des éléments fondamentaux de la nature, donnés comme tels, mais seulement les différentes configurations possibles des mêmes particule...

Les qualias sont-ils réductibles ?

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Pour clore cette série d'articles sur l'irréductibilité de l'expérience qualitative, demandons nous (ce qu'on aurait pu faire au départ) si nos qualia sont réductibles -- non pas de l'extérieur, non pas donc à la physique, mais du point de vue phénoménologique. Nos perceptions peuvent certainement être analysées en termes de structure relationnelle. Je vois une route, et à droite des immeubles. Les immeubles sont composé d’une juxtaposition verticale d’étages. etc. Du moins c'est possible jusqu’à un certain point, qui semble être le niveau qualitatif fondamental de notre expérience : les couleurs, les sons, les sensations tactiles, les sentiments. La question est donc de savoir si ces éléments qualitatifs, ces noeuds de la structure de notre expérience, pourraient eux-même être analysés exhaustivement en terme de relations.

Réduction et engagement (3) : une petite théorie des significations

Je m'excuse par avance de l'aspect spéculatif de cet article (qui est bien sûr ouvert à la contradiction). Il s'agit d'explorer l'hypothèse d'une irréductibilité de nos concepts et significations de haut niveau à des concepts purement physiques, telle qu'exposée dans les deux dernières entrées de ce blog, et d'en dériver toutes les conséquences. Je pense qu'il est concevable que certaines significations ne soient pas entièrement réductibles à des concepts physiques dans la mesure où elles font référence à des éléments qualitatifs de l'ordre de l'expérience privée. Pourtant difficile de concevoir qu'elles soient totalement indépendante de toute matérialité. Si mes concepts ne se ramenaient à aucune réalité physique, on finirait par se demander d'où ils viennent, sur la base de quoi ils sont apparus. Le monde n'a-t-il pas existé avant l'homme ? Comment croire, alors, que nos idées ne proviennent pas de ce monde matériel ? Il...

Réduction et engagement (2) : les scarabées collectifs

Nous nous sommes demandé dans le dernier article si tous nos concepts, tel celui d'amitié, sont au moins en principe scientifiquement réductibles. Il se peut que l'argumentation proposée ait laissé certain sur leur faim, dans la mesure où l'ultime recours est un appel à une expérience privée dont il est dit mais assez peu justifié qu'elle est forcément distincte de ce qu'on peut en dire scientifiquement. A cet argument on pourrait objecter deux choses.

Réduction scientifique et engagement individuel

Le réductionnisme consiste à penser que dans le monde, le tout est réductible à un agencement de ses parties. Il est possible de penser tel phénomène comme le résultat d'un agencement de parties, donc on peut nier que le phénomène existe comme un tout au delà du fait qu'on a choisit de le considérer comme tel. Le tout n'existe que dans nos têtes. Suivant cette doctrine, les concepts quels qu'ils soient doivent pouvoir être réduit ultimement à la physique, les propositions quelles qu'elles soient à des propositions physiques. Il semble qu'une telle hypothèse soit valide à la mesure de mon détachement. Paul et Jean sont amis. A quoi est-ce réductible ? Ils sont souvent ensemble, partagent des activités. Mettons que je rassemble tous les éléments, tous les "faits" qui me font penser qu'ils sont amis, objectivement. Mettons qu'ensuite je réduise ces faits observés à des circonstances s'exprimant en terme d'objets physiques situés dans l...

Pour le libre arbitre, indéterminisme ou privacité ?

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La notion de libre arbitre semble être absurde par elle même, en dehors de toute considération sur la nature déterministe ou non du monde : une volonté quelle quelle soit doit bien être fondée sur quelque chose, elle doit avoir ses raisons qui la détermine, mais alors on ne peut plus vraiment parler de liberté, car la liberté suppose qu'un choix soit possible, et donc qu'il n'est pas déterminé. Non seulement absurde, le libre arbitre, puisqu'il s'oppose au déterminisme, ne peut exister. Etant avéré un déterminisme au moins approximatif du monde physique à notre échelle, il ne peut être en effet qu'une illusion. En fait il faut voir que le réductionnisme joue un rôle essentiel dans cette argumentation, car si nous sommes effectivement réductible à des éléments microscopiques, que ceux-ci soient ou non déterminés n'y change rien : une association de lancés de dés ne fera jamais une volonté, et c'en est fait de notre libre arbitre, quand bien même le mo...

Les cases de la pensée et la liberté du sujet

L'essentialisation transforme l'être en objet. Il consiste en confondre le produit d'un interaction avec une chose existante. En effet l'essence est un prérequis de la connaissance, elle est son mode de fonctionnement. Mais la connaissance ne porte pas sur ce qui existe, elle porte sur nos interactions avec la réalité. Pour preuve non seulement l'analyse de Cassirer du concept évoquée dans les billets précédents, mais aussi celle, chez Wittgenstein, de la signification comme usage. Le mot ne désigne pas quelque chose qui existe, il est un mode de vie, il n'a de signification qu'en situation, et parler, c'est déjà agir.

Subjectivité et objectivité chez Cassirer

Dans substance et fonction, Cassirer écrit : "Si l'on interroge l'expérience immédiate, prise à l'état natif et non encore patronné par la réflexion, il apparaît clairement que l'opposition entre "subjectif" et "objectif" lui est totalement étrangère. Il n'y a pour elle qu'un seul niveau d'existence qui inclut uniformément et sans distinction tous les contenus."

La possibilité d'une éthique scientifique

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Sur de nombreux sujets on voit s'opposer science ou scientisme et éthique. Par exemple en écologie : on oppose l'exploitation intensive de la nature à un "respect" qui peut faire figure de principe moral sans fondement scientifique, un "retour à la nature" illusoire, car l'agriculture n'a au fond jamais rien eu de naturel, ou une sacralisation de la vie, concept dont on peine à définir les limites. A ce moralisme sans fondement on oppose donc une rationalité dirigée vers des buts concrets, c'est à dire une éthique utilitariste. Pourtant c'est bien l'exploitation intensive de la nature, sous-tendue jadis par une logique utilitariste, qui est à l'origine des drames écologiques que nous connaissons aujourd'hui (réchauffement climatique, extinction des espèces, appauvrissement des sols, déforestation, marées vertes...). L'utilitarisme se heurte ainsi à l'objection du scientisme : il souffrirait d'une présomption exces...

Littérature et science

A priori, science et littérature n'ont rien à voir. La première vise à s'éloigner du particulier pour atteindre l'universel, à s'éloigner du subjectif pour atteindre l'objectif, faisant de chaque expérience la simple instanciation de lois intemporelles. Elle s'occupe du réel et cherche à dissoudre les illusions. Enfin son projet est descriptif, c'est à dire passif et atemporel. Au contraire la littérature (ou le cinéma, ou la bande dessinée, ...) nous plonge dans le particulier, dans la situation concrète. Elle revendique la subjectivité du point de vue, la temporalité, l'engagement émotionnel actif.

La réalité des objets mathématiques

Les objets mathématiques existent-ils dans un "espace mathématique" ou seulement dans nos têtes ?  D'un côté, affirmer que les objets mathématiques existent absolument semble étrange. Toute chose n'a-t-elle pas sa source dans l'immanence ? Pourtant il existe de bons argument pour s'opposer à une vision "sensualiste" des mathématiques. Ainsi face à l'idée que les nombres ne seraient que l'agrégat de nos expériences, Cassirer (dans "substance et fonction") oppose des arguments forts, et effectivement, on voit mal comment l'édifice entier des mathématiques et sa rigueur pourraient n'être que des intuitions empiriques.

Pourquoi la physique quantique est importante ?

Les lecteurs assidus de ce blog auront remarqué que je fais régulièrement référence à la physique quantique dans mes différents articles, et notamment quand il est question de philosophie de l'esprit. On pourra s'interroger sur le bien fondé de ces références, et même y voir ce que les anglophones appellent du " quantum woo ". Le terme est souvent utilisé afin de rejeter toute invocation de la physique quantique à propos de la conscience, principalement sur la base des arguments suivants : Postuler un rôle de la conscience pour résoudre le problème de la mesure en physique quantique, c'est donner un rôle ontologique particulier à l'être humain ou au cerveau, ce qui est douteux. Comment croire que la lune n'existe pas si personne ne la regarde, ou que le monde n'existait pas avant l'apparition de l'homme ? On ne peut invoquer la physique quantique pour résoudre le problème de la conscience, car les effets quantiques concernent les ...