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Affichage des articles du 2013

Nouveau blog en anglais

Voilà un moment que l'idée de bloguer en anglais me trotte dans la tête. Il y a du pour et du contre : Je m'exprime plus clairement, plus précisément et plus subtilement en français. Et j'aime écrire en français. Il est important qu'il y ait des blogs de philosophie en français. mais Ecrire en anglais peut me permettre de m'améliorer dans cette langue, qui est quand même la langue de travail principale en philosophie (au moins pour certaines branches de la philosophie) Ecrire en anglais peut rendre accessible mes textes à un nombre de lecteurs plus importants et augmenter les échanges. Je pense qu'un compromis est possible, c'est pourquoi j'ai décidé de continuer ce blog, lui réservant la primauté de mes textes, tout en proposant de temps à autre certaines traductions (très libres, des réecritures plutôt) de mes articles en anglais sur un nouveau blog (http://physicsandthemind.blogspot.fr) . La quantité de travail que je fournirai pour l'un

Book Review : Michael Smith, the Moral Problem

[Je publie ici un devoir d'anglais réalisé dans le cadre de mon master de philosophie l'an dernier : il s'agit d'une revue de "The Moral Problem" de Michael Smith. Dans la partie "discussion", je défend l'idée (inspirée par Smith) que les raisons normatives, impliquées dans les jugements moraux, portent sur des désirs de second ordre. L'objectivité des jugements moraux proviendrait de l'abstraction inhérente aux désirs de second ordre. Le texte est assez dense : le devoir était limité en taille...]

Etats de fait (physiques, mentaux) et événements

Pour poursuivre l'analyse, entamée dans un dernier billet, de la causalité de haut niveau (notamment mentale), il convient de s'intéresser à l'articulation entre états de faits et événements. Pour ce faire je vais repartir d'une thèse déjà développée sur ce blog (en la développant suivant les réflexions que m'inspire cet article de François Loth). Il s'agit de s'inscrire en faux contre les prémisses du débat métaphysique contemporain à propos de la causalité mentale, qu'on décide de lui donner une réponse dualiste ou physicaliste, et qui consiste à mettre sur le même plan propriétés / états physiques et mentaux, comme si ceux-ci cohabitaient dans le monde. En fait tout dépend de ce qu'on qualifie de proprement "mental", mais il est coutume, en philosophie de l'esprit, de faire référence par ce terme aux aspects phénoménaux et intentionnels, privés, de l'expérience. Or je pense que suivant cette compréhension le mental et le phys

Science, pseud-science et philosophie

Il n'existe pas de définition précise de la science. Il n'existe pas de définition précise de la philosophie non plus. C'est sans doute que les deux se recoupent en partie, mais il conviendrait de mieux comprendre cette articulation pour pouvoir répondre aux questions suivantes : qu'est-ce qu'une pseudo-science et pourquoi doit-on les rejeter (si on le doit) ? La philosophie est-elle rendue obsolète par le science, et si non, quel est son rôle ?

Y a-t-il une causalité de haut niveau ?

La croyance en l'existence d'une authentique causalité de haut niveau, qui ne se réduise pas à une causalité micro-physique, est finalement principalement motivée par l'intentionnalité. Après tout le réductionnisme n'est pas vraiment gênant pour ce qui est de la plupart des objets du monde : on veux bien croire que « la flamme cause la fonte du glaçon » signifie en fait qu'un état physique, qu'on se représente à l'échelle macroscopique comme une flamme à proximité d'un glaçon, a pour évolution probable un état physique qu'on se représentera macroscopiquement comme une flamme et un glaçon fondu (tandis que le même état sans la flamme n'aurait pas eu la même évolution). Peut-être certains voudraient défendre l'idée qu'il existe une authentique flamme et un authentique glaçon qu'une authentique relation de causalité relie, chacun étant un peu plus que l'état microphysique qui les réalise (on pourrait même avancer la difficulté qu'

Présentisme et mécanique quantique

Nous avons vu dans un billet précédent que si l'on est présentiste, on peut considérer que le passé est contenu dans le présent sous forme de contraintes, de "trace", et que différents futurs sont également contenus dans le présent sous forme de possibles anticipés, bien que futurs et passé ainsi conçus, à la différence du présent, ne bénéficient pas d'une réelle actualité. Nous avons vu que contrairement à ce qui est souvent affirmé, le présentisme n'est pas incompatible avec la théorie de la relativité si l'on dissocie la simultanéité telle qu'elle est conçu en relativité de la question de l'actualité. Demandons nous maintenant s'il est possible d'accorder le présentisme avec la seconde théorie fondamentale de la physique moderne, à savoir la mécanique quantique, et quelles conséquences il est possible de tirer de leur union.

Les OGM : arguments moraux, scientifiques et économiques

La manipulation génétique des organismes vivant est-elle en tant que telle condamnable ? Faut-il interdire l'introduction des OGM dans la nature, dans notre alimentation, voire même la recherche sur les OGM ? Il s'agit d'un débat complexe ou règne souvent une certaine confusion entre différents arguments, et je souhaite ici le clarifier en abordant ses différents pendants. Pour ce faire, on peut commencer par distinguer deux questions : la manipulation génétique est-elle condamnable moralement, simplement pour ce qu'elle est ? Est-elle condamnable en vertu de ses conséquences potentiellement néfastes sur la nature, la santé ou l'économie ?

Présentisme et théorie de la relativité

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McTaggart a introduit les termes de « théorie A » et de « théorie B » à propos de différentes façons de concevoir le temps. Pour la « théorie A » (associée au présentisme), un événement donné possède la propriété d'être présent, passé ou futur de manière absolue. Pour la théorie B (associée à l'éternalisme), passé, présent et futur sont des notions relatives : un événement est passé par rapport à un autre. Ces deux théories rendent donc compte de la même séquence d'événements dans l'univers, ordonnés de la même façon, seulement l'une, contrairement à l'autre, considère que l'actualité, le fait d'être présent, est une propriété importante qui vient s'ajouter à cette séquence tandis que pour l'autre c'est une notion purement relative à l'intérieur de cette séquence. McTaggart argumente en faveur de la théorie B. Affirmer d'un événement futur qu'il n'est pas actuel mais qu'il le sera semble introduire une régression à l

Matérialisme et idéalisme, réalisme et empirisme, deux vision du monde

Il existe deux façon d'envisager les fondements. L'une prend point de vue de l'ontologie, les fondements du monde : la matière, et l'autre celui de l'épistémologie, les fondements de la connaissance : la conscience. De manière surprenante, chacune peut prétendre être le vrai et seul fondement, englober l'autre, en faire une illusion. Ainsi on peut prétendre, d'un point de vue matérialiste, que la conscience n'est qu'un dérivé de la matière, puisque nous sommes nous même constitués de matière. Y voir une chose irréductible, indépendante du monde matériel, tient de l'illusion, un attachement puérile à notre propre situation (comme on a pu croire que la terre était le centre de l'univers) qu'il faut dépasser. Mais d'un point de vue idéaliste, la matière n'est jamais qu'une représentation, un objet de l'esprit, et c'est s'illusionner que de prendre nos représentations pour la réalité. Ce qui existe vraiment ce n'

La carte des corrélations entre positions philosophiques

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Voilà, je n'ai pas pu m'empêcher de recommencer mes "geekeries"... La lecture de cet article " what do philosophers believe? " qui recense diverses statistiques sur les positions des philosophes sur différents thèmes m'a beaucoup intéressé. Mais ce n'est pas tant la partie sur les positions les mieux représentées qui m'a fasciné que celle qui montre les corrélations entre ces différentes positions. Il m'a semblé qu'il y avait une certaine cohérence dans ces corrélations, ce qui s'est confirmé après avoir griffonné rapidement un petit schéma sur un papier. Le schéma se complexifiant, je suis passé aux outils informatiques (inkscape) pour me faciliter la tâche. Et voilà où tout ça m'a mené : j'ai passé mon samedi à réaliser une jolie infographie représentant les corrélations entre les différentes positions philosophiques, sur laquelle on voit clairement que celles-ci se rangent en deux camps bien séparés. La voici (cliquer pour

Obsolescence programmée et asymétrie de l'information

Le débat sur l'obsolescence programmée part sur de mauvaises bases. On ne sait pas de quoi on parle. Qu'est-ce à dire qu'un constructeur diminue délibérément la durée de vie d'un produit pour augmenter son chiffre d'affaire ? On pense évidemment à des cas caricaturaux : l'ajout d'une puce électronique qui signerait artificiellement l'arrêt de mort d'un produit pour nous forcer à en racheter un neuf. Mais bien sûr il est plus intéressant pour le constructeur d'acheter des composants de moins bonne qualité, moins chers, pour diminuer d'autant la durée de vie de son produit en réduisant ses coûts sans recourir à un tel artifice. Alors s'agit-il toujours d'obsolescence programmée ? Si l'on pense que non, alors effectivement, l'obsolescence programmée est un mythe, sauf cas rares. Pourtant au final le résultat est le même... Il y a un aspect fallacieux dans les arguments qui prétendent que l'obsolescence programmée n'exist

Contre la survenance

On dit d'un état réalisé qu'il survient sur un état de base quand il en dépend entièrement, c'est à dire qu'il ne peut y avoir de différence dans l'état réalisé qui n'ait pour origine une différence de l'état de base. On pourra dire, par exemple, que la température d'un liquide survient sur l'état moléculaire de ce liquide, dans la mesure où toute différence de température a pour origine une différence d'état moléculaire (bien que l'inverse ne soit pas vrai : une différence moléculaire peut être indifférente vis à vis de la température). Il est coutume en philosophie de l'esprit, et notamment pour les physicalistes, de parler de survenance à propos des états mentaux : ces derniers surviendrait sur les états physiques de nos cerveaux. Je pense que c'est une erreur. Il me semble en effet qu'on fait face à un problème. Kim montre qu'un état survenant ne peut être doté d'une causalité propre qui ne se réduise à un pouvoir ca

Entre réalisme et constructivisme

On peut parler de réalisme scientifique (au sens sémantique) si l'on pense que nos concepts scientifiques dépendent essentiellement de la réalité qu'ils visent. Ainsi je suis réaliste à propos des électrons si je pense que le concept d'électron dépend essentiellement d'éléments de la réalité, ceux dont je parle quand je parle d'électrons (bien sûr il conviendrait de clarifier cette idée de référence sémantique, mais je ne m'étendrait pas la dessus). La position réaliste n'implique pas que les aspects externes aux objets étudiés, par exemple des aspects sociaux ou psychologiques, ne jouent aucun rôle en science. On peut penser, par exemple, que certaines contraintes sociales opèrent une sélection sur les concepts et domaines qu'on juge intéressants ou non d'étudier. Cependant pour le réaliste, ces aspects n'impactent pas de manière essentielle la représentation que nous nous faisons des électrons, ou de tout autre objet théorique, mais seulemen

Problème moral et introspection -- suite

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Afin de clarifier l' analogie entre le problème moral et le problème de l'introspection que j'évoquais dans l'article précédent, je me suis fendu d'un petit schéma (réalisé avec le logiciel inkscape -- cliquer pour agrandir) : La flèche intitulée « action » exprime la psychologie humienne : être motivé à agir, c'est avoir un désir et une croyance pratique associée à la réalisation de ce désir. Le problème moral tel qu'exprimé par Smith provient du fait qu'une croyance morale semble a elle seule induire une motivation. La solution de Smith est illustrée par la flèche intitulée « ajustement moral » : une croyance morale induit en fait une modification des désirs. La flèche intitulée « perception » exprime le fait que pour fonder une croyance nouvelle sur la base de données sensibles, il faut non seulement un aspect phénoménal associé à ces données, mais aussi une certaine attitude motivationnelle (ne serait-ce qu'une attention portée à l

Analogie entre le problème morale et le problème de l'introspection

Dans « The moral problem », Smith présente ce qu'il considère être le problème central en méta-éthique, à savoir le rapport entre la praticité et l'objectivité des faits moraux : si on pense que les faits moraux sont objectifs, pourquoi « doit »-on les respecter ? Il pose le problème sous forme d'un trillemme : (1) les jugements moraux sont des croyances à propos de faits objectifs (objectivité) (2) un jugement moral implique à lui seul une certaine motivation à agir (praticité) (3) la motivation à agir suppose un désir (en plus d'une croyance pratique qu'agir de telle sorte permettra de combler ce désir) (psychologie humienne) Ces trois affirmations semblent incohérentes, puisqu'un jugement moral seul peut nous motiver à agir sans pour autant constituer un désir, contrairement à la psychologie humienne. Il me suffit apparemment de croire que donner à la charité est une bonne chose pour être réellement motivé à le faire (en dehors de motivations contrai

Le débat Lordon/Bohler : sociologie et neurosciences

La dernière émission d'arrêt sur image qui portait sur les événements récents concernant Chypre [accès payant] fut l'occasion d'un débat dans le débat entre Sebastien Bohler et Frédéric Lordon, qui, de mon point de vue intéressé, était le passage le plus intéressant de l'émission. [EDIT]Quelques modifications ont été apportées suite au revisionnage de l'émission [/EDIT] Tout commence par la chronique de Bohler [accès libre] qui nous propose un bout d'explication neuropsychologique aux paniques bancaires à travers l'anxiété générée par les médias, qui, par un processus d'accumulation, pourrait mener à la panique : des images captant l'attention du téléspectateur et un discours anxiogène en voix off, perçu inconsciemment par le cerveau, augmenteraient le taux de certaines hormones dans le cerveau qui, dépassant un certain seuil, provoquent la panique. A la suite de cette chronique, Lordon est embêté. Il ne veut pas être désobligeant, mais lui lutt

Note de lecture – everything must go : metaphysics naturalised.

J'ai été plutôt surpris en bien au commencement de ma lecture de ce livre, dont j'avais déjà lu quelques commentaires m'ayant laissé penser qu'il devait s'agir d'une sorte de traité de scientisme « hard-core » qui prétendrait reléguer la métaphysique, ou bien la philosophie tout entière, aux oubliettes (après tout le premier chapitre s'intitule « in defence of scientism »). En fait il s'agit bien de faire de la métaphysique, et au final je me suis trouvé plutôt en accord avec les auteurs (Don Ross, James Ladyman et David Spurrett), du moins jusqu'à un certain point. Je propose ici un résumé du livre, suivi d'une brève discussion.

Darwinisme généralisé, téléologie et causalité mentale

– Le darwinisme permet de se passer de la téléologie comme processus d'évolution. Une espèce est adaptée à son environnement non pas parce qu'elle (ou quelqu'un d'autre) a voulu qu'elle soit adaptée, mais parce qu'une sélection s'est effectuée sur les individus de cette espèce qui l'a en quelque sorte modelée conformément à son environnement. Il n'y a pas de but dans la nature, l'évolution est aveugle. – Peut-être bien. Mais dans le domaine du mental, par contre, on ne semble pas pouvoir se passer de la téléologie. A l'évidence nous formons des buts et agissons en conséquence. – Est-ce bien vrai, ou refuse-t-on de s'en passer parce qu'on est trop impliqué et que ça infligerait une blessure trop grande à notre ego ? Tu connais les expériences de Benjamin Libet, qui prédisent l'action d'un individu plusieurs secondes avant la décision consciente qui lui correspond, simplement en observant le champs électrique du cerveau. Peut

Bienvenu au Loukhistan !

Je viens de terminer de remanier mon utopie économique : Bienvenu au Loukhistan ! Les commentaires critiques sont plus que bienvenus (notamment si vous êtes spécialistes en économie...)

L'interprétation d'Everett et la règle de Born

Je me suis un peu intéressé ces derniers jours (à la suite de la lecture de cet article en pre-print ) au débat concernant l'interprétation d'Everett de la physique quantique et le problème de la dérivation de la règle de Born qui s'y pose. Je me propose ici de fournir une version aussi vulgarisée que possible de ce débat complexe, ainsi que de faire état de quelques unes de mes réflexions sur le sujet.

Commentaire sur "où doit s'arrêter la recherche scientifique"

L'AFIS publie sur son site un très mauvais article «  où doit s'arrêter la recherche scientifique ?  » qui me semble relever d'une grande confusion entre deux façon d'envisager les limites de la science : en un sens pratique ou en un sens théorique. Dans le premier cas il s'agit de dire que la science ne doit pas franchir les limites d'un certain territoire, sous peine de conséquences néfastes. Dans le second, il s'agit de dire qu'elle ne peut pas les franchir, qu'elle n'en a pas les possibilités (c'est la même différence qu'il peut y avoir entre une limitation de vitesse sur un panneau et une limitation du moteur de ma voiture). Seule la première compréhension de « limite » se veut normative. En confondant les deux, et en prétendant ainsi que certains métaphysiciens ou philosophes voudrait limiter, en pratique, la recherche en physique fondamentale (ce qui à ma connaissance est faux), l'auteure s'attaque à un homme de paille.

Entre relativisme et absolutisme

A lire certains penseurs, on peut avoir l'impression, à l'occasion, qu'ils posent au départ ce qu'ils comptent nous montrer et qu'ils sont fautif d'un raisonnement circulaire. Ce n'est sans doute pas à tort, mais je ne pense pas qu'il faille leur en tenir rigueur, puisque d'autres penseurs ont pu montrer que ce type de raisonnements circulaires est inhérent à la science même. On peut alors interpréter charitablement ces auteurs (sous couvert d'une certaine ouverture de leur pensée) comme nous proposant un système fondé sur l'intuition, comme en déroulant les conditions de possibilité et en établissant la cohérence, à la manière dont un scientifique pourrait présenter la cohérence d'une nouvelle théorie en regard de nos connaissances passées. La question se pose de savoir si la circularité de nos représentations entraîne leur incommensurabilité respective. C'est bien là la conclusion que semble en tirer Kuhn : puisque toute théorie es