Le problème de la mesure
Pour les lecteurs de ce blog qui ne sont pas familier avec la physique quantique, à laquelle je fais souvent référence, je me propose ici de résumer le problème de la mesure en termes non techniques, le plus brièvement possible. Les lecteurs anglophone intéressés pourront consulter cet article plus rigoureux et exhaustif.
La superposition d'états
On modélise un système physique à l'échelle des particules par une superposition d'états pour chaque propriété mesurable. Quand on mesure une propriété du système, on observe un seul de ces états, aléatoirement, les probabilités de chaque résultat étant pondérées par l'amplitude initiale de l'état dans la superposition. On peut donc faire l'hypothèse que la superposition d'état masque un manque de connaissance de l'état réel du système, c'est à dire que le modèle physique représente notre connaissance du système, non son état réel. Pourtant cette hypothèse ne tient pas, parce que les états superposés, quand on ne mesure pas le système, interfèrent entre eux, et ces interférences sont, elles, mesurables : chaque état superposé "existe" donc avant la mesure, au moins en potentialité, dans le sens où il a des effets statistiques qu'on peut choisir de mesurer. La mesure, cependant, fait disparaître ces interférences, comme s'il s'était produit une action de résolution du hasard, de réduction du système à un seul état.
La contextualité de la mesure
A ceci ajoutons l'aspect contextuel de la mesure : un état "position du système" correspond à une superposition d'états "vitesse du système", et vice versa, tous deux étant inclus dans la même description physique. La réduction à un seul état "position" lors d'une mesure est donc fondamentalement incompatible avec la réduction à un seul état "vitesse", et quel que soit ce que l'on choisit de mesurer (car il faut bien choisir la manière dont on interagit avec le système), il existe une indétermination irréductible sur ce qui n'est pas mesuré. La résolution du hasard n'a lieu que pour ce qu'on a mesuré, et rend ce qu'on n'a pas mesuré indéterminé. Les interférences, mesurables, entre les états superposés non mesurés accompagnent cette indétermination (c'est à dire que si l'on vient de mesurer une position, on peut mesurer les interférences entre les différentes vitesses superposées sans perturber le système).
Ces deux premiers aspects de la mesure sont typiquement décrits par l'expérience des fentes de Young. Dans cette expérience, les deux observables incompatibles ne sont pas "position" et "vitesse" mais simplement le passage par l'une ou l'autre fente et les interférences entre ces deux états.
La non-localité
Ajoutons l'aspect non-local et holistique de la mesure : la superposition d'état ne concerne pas nécessairement une seule particule, elle concerne un système éventuellement composé de plusieurs particules ayant interagit dans le passé et se trouvant en des endroits éloignés les uns des autres. Les états superposés sont alors des états composites sur l'ensemble des particules du système, il représente en quelque sorte des poids de corrélation entre les différentes mesures possibles sur chacune d'elles. Ce sont ces corrélations, qu'on peut assimiler à un "hasard partagé", qui ont un sens physique, se transmettent physiquement au cours des interactions et voyagent au mieux à la vitesse de la lumière, et non pas les valeurs aléatoires précises qui seront finalement mesurées, et qui, on l'a vu, dépendront du contexte final de la mesure. Pourtant toutes les mesures d'un même système en différents endroits s'avéreront in fine cohérentes, comme si la résolution du hasard, la réduction à un seul état, était une action instantanée à distance. Il faudra, pour s'apercevoir a posteriori de cette cohérence (hasard oblige) se transmettre les résultats des mesures.
Ce dernier aspect est typiquement décrit par les expériences de type EPR.
Remarquons que cet aspect non-local est due à l'hypothèse de "sens commun" que la réduction à un seul état se produit non seulement pour moi, mais aussi pour les autres humains mesurant un même système en un endroit différent et au même moment. C'est la conséquence d'une hypothèse réaliste.
Le problème de la mesure
Résumons : la superposition d'état d'un système, en physique quantique, est épistémique pour ce qui est mesuré (elle traduit apparemment un défaut de connaissance du système, qui est en fait dans un état déterminé) mais ontique pour ce qui n'est pas mesuré (les états superposés interfèrent entre eux). Pour autant tous les degrés existent entre ces deux extrêmes, et sont décrits par le même objet mathématique.
Tout se passe comme si la mesure du système instanciait la réalité objective en fonction du choix de ce que l'on mesure, résolvant ainsi le hasard présent de manière non-locale dans le système. C'est le statut de cette réduction à un état objectif qui est problématique. Elle ne fait pas partie de la théorie physique et n'est pas indispensable à la description de l'évolution d'un système. Comment savoir si elle a eu lieu, sachant qu'il faut mesurer un système pour savoir s'il a été mesuré (et donc, de fait, il l'a été) ? La mesure n'est pas elle même mesurable. Il est donc tout a fait possible de faire l'hypothèse extrême qu'elle n'a lieu que lors de la prise de conscience de l'individu.
La décohérence
On pourrait croire qu'elle l'est, car les interférences disparaissent pour ce qui est mesuré. Il suffit donc de mesurer les interférences pour savoir si la mesure a eu lieu. Malheureusement, les interférences disparaissent naturellement au fil des interactions d'un système avec son environnement, à travers ce qu'on appelle la décohérence. Les interférences supposent que les différents états superposés sont cohérents. La décohérence est le phénomène par lequel cette cohérence finit par se "diluer" dans l'environnement, rendant extrêmement improbable l'observation des interférences.
L'interaction avec l'environnement est requise pour mesurer un système. De plus la décohérence s'apparente à une mesure, puisqu'elle se produit uniquement vis à vis d'une propriété privilégiée par l'environnement (la vitesse ou la position) qui est précisément la propriété mesurée.
Il semble donc y avoir un lien entre la décohérence et la mesure, bien que la décohérence n'implique pas la réduction à un seul état, seulement la disparition des interférences entre les états superposés.
Les solutions au problème de la mesure
Il existe des interprétations suivant lesquelles la réduction a lieu avec la conscience humaine.
Il existe des interprétations avec "réduction objective du paquet d'onde", pour lesquelles la mesure est un phénomène physique non-local, ou encore un aspect stochastique ayant pour effet de réduire la superposition à un seul état.
Il existe des interprétations à "variables cachées", pour lesquelles la superposition d'état est une onde guidant des particules réelles dont l'état est parfaitement déterminé.
Il existe des interprétations "transactionnelles", pour lesquelles, la réduction correspond à une onde remontant le temps, venant conclure une transaction avec le passé et ainsi instancier une réalité objective.
Il existe des interprétations "multimondes" pour lesquelles, la réduction n'a jamais lieu, mais tous les possibles co-existent dans des mondes parallèles n'interférant pas.
Il existe des interprétations épistémiques, pour lesquelles la physique quantique ne doit pas être considérée comme une description de la réalité, mais un outil de prédiction, ou encore une extension de la théorie des probabilités.
Il existe des interprétations relationnelles, pour lesquelles la physique quantique décrit en fait la relation d'un observateur à ses objets, non pas une réalité objective.
Ces différentes solutions ne peuvent être départagées sur la base des phénomènes.
La superposition d'états
On modélise un système physique à l'échelle des particules par une superposition d'états pour chaque propriété mesurable. Quand on mesure une propriété du système, on observe un seul de ces états, aléatoirement, les probabilités de chaque résultat étant pondérées par l'amplitude initiale de l'état dans la superposition. On peut donc faire l'hypothèse que la superposition d'état masque un manque de connaissance de l'état réel du système, c'est à dire que le modèle physique représente notre connaissance du système, non son état réel. Pourtant cette hypothèse ne tient pas, parce que les états superposés, quand on ne mesure pas le système, interfèrent entre eux, et ces interférences sont, elles, mesurables : chaque état superposé "existe" donc avant la mesure, au moins en potentialité, dans le sens où il a des effets statistiques qu'on peut choisir de mesurer. La mesure, cependant, fait disparaître ces interférences, comme s'il s'était produit une action de résolution du hasard, de réduction du système à un seul état.
La contextualité de la mesure
A ceci ajoutons l'aspect contextuel de la mesure : un état "position du système" correspond à une superposition d'états "vitesse du système", et vice versa, tous deux étant inclus dans la même description physique. La réduction à un seul état "position" lors d'une mesure est donc fondamentalement incompatible avec la réduction à un seul état "vitesse", et quel que soit ce que l'on choisit de mesurer (car il faut bien choisir la manière dont on interagit avec le système), il existe une indétermination irréductible sur ce qui n'est pas mesuré. La résolution du hasard n'a lieu que pour ce qu'on a mesuré, et rend ce qu'on n'a pas mesuré indéterminé. Les interférences, mesurables, entre les états superposés non mesurés accompagnent cette indétermination (c'est à dire que si l'on vient de mesurer une position, on peut mesurer les interférences entre les différentes vitesses superposées sans perturber le système).
Ces deux premiers aspects de la mesure sont typiquement décrits par l'expérience des fentes de Young. Dans cette expérience, les deux observables incompatibles ne sont pas "position" et "vitesse" mais simplement le passage par l'une ou l'autre fente et les interférences entre ces deux états.
La non-localité
Ajoutons l'aspect non-local et holistique de la mesure : la superposition d'état ne concerne pas nécessairement une seule particule, elle concerne un système éventuellement composé de plusieurs particules ayant interagit dans le passé et se trouvant en des endroits éloignés les uns des autres. Les états superposés sont alors des états composites sur l'ensemble des particules du système, il représente en quelque sorte des poids de corrélation entre les différentes mesures possibles sur chacune d'elles. Ce sont ces corrélations, qu'on peut assimiler à un "hasard partagé", qui ont un sens physique, se transmettent physiquement au cours des interactions et voyagent au mieux à la vitesse de la lumière, et non pas les valeurs aléatoires précises qui seront finalement mesurées, et qui, on l'a vu, dépendront du contexte final de la mesure. Pourtant toutes les mesures d'un même système en différents endroits s'avéreront in fine cohérentes, comme si la résolution du hasard, la réduction à un seul état, était une action instantanée à distance. Il faudra, pour s'apercevoir a posteriori de cette cohérence (hasard oblige) se transmettre les résultats des mesures.
Ce dernier aspect est typiquement décrit par les expériences de type EPR.
Remarquons que cet aspect non-local est due à l'hypothèse de "sens commun" que la réduction à un seul état se produit non seulement pour moi, mais aussi pour les autres humains mesurant un même système en un endroit différent et au même moment. C'est la conséquence d'une hypothèse réaliste.
Le problème de la mesure
Résumons : la superposition d'état d'un système, en physique quantique, est épistémique pour ce qui est mesuré (elle traduit apparemment un défaut de connaissance du système, qui est en fait dans un état déterminé) mais ontique pour ce qui n'est pas mesuré (les états superposés interfèrent entre eux). Pour autant tous les degrés existent entre ces deux extrêmes, et sont décrits par le même objet mathématique.
Tout se passe comme si la mesure du système instanciait la réalité objective en fonction du choix de ce que l'on mesure, résolvant ainsi le hasard présent de manière non-locale dans le système. C'est le statut de cette réduction à un état objectif qui est problématique. Elle ne fait pas partie de la théorie physique et n'est pas indispensable à la description de l'évolution d'un système. Comment savoir si elle a eu lieu, sachant qu'il faut mesurer un système pour savoir s'il a été mesuré (et donc, de fait, il l'a été) ? La mesure n'est pas elle même mesurable. Il est donc tout a fait possible de faire l'hypothèse extrême qu'elle n'a lieu que lors de la prise de conscience de l'individu.
La décohérence
On pourrait croire qu'elle l'est, car les interférences disparaissent pour ce qui est mesuré. Il suffit donc de mesurer les interférences pour savoir si la mesure a eu lieu. Malheureusement, les interférences disparaissent naturellement au fil des interactions d'un système avec son environnement, à travers ce qu'on appelle la décohérence. Les interférences supposent que les différents états superposés sont cohérents. La décohérence est le phénomène par lequel cette cohérence finit par se "diluer" dans l'environnement, rendant extrêmement improbable l'observation des interférences.
L'interaction avec l'environnement est requise pour mesurer un système. De plus la décohérence s'apparente à une mesure, puisqu'elle se produit uniquement vis à vis d'une propriété privilégiée par l'environnement (la vitesse ou la position) qui est précisément la propriété mesurée.
Il semble donc y avoir un lien entre la décohérence et la mesure, bien que la décohérence n'implique pas la réduction à un seul état, seulement la disparition des interférences entre les états superposés.
Les solutions au problème de la mesure
Il existe des interprétations suivant lesquelles la réduction a lieu avec la conscience humaine.
Il existe des interprétations avec "réduction objective du paquet d'onde", pour lesquelles la mesure est un phénomène physique non-local, ou encore un aspect stochastique ayant pour effet de réduire la superposition à un seul état.
Il existe des interprétations à "variables cachées", pour lesquelles la superposition d'état est une onde guidant des particules réelles dont l'état est parfaitement déterminé.
Il existe des interprétations "transactionnelles", pour lesquelles, la réduction correspond à une onde remontant le temps, venant conclure une transaction avec le passé et ainsi instancier une réalité objective.
Il existe des interprétations "multimondes" pour lesquelles, la réduction n'a jamais lieu, mais tous les possibles co-existent dans des mondes parallèles n'interférant pas.
Il existe des interprétations épistémiques, pour lesquelles la physique quantique ne doit pas être considérée comme une description de la réalité, mais un outil de prédiction, ou encore une extension de la théorie des probabilités.
Il existe des interprétations relationnelles, pour lesquelles la physique quantique décrit en fait la relation d'un observateur à ses objets, non pas une réalité objective.
Ces différentes solutions ne peuvent être départagées sur la base des phénomènes.
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