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Affichage des articles du 2014

La vaine lubie de "l'ontologie primitive" en physique

Tout d'abord, Erratum. Dans un article récent , j'ai indûment propagé une vision erronée des théories de Bohm, GRWm et GRWf. J'y ai affirmé que GRWm était réaliste à propos de la fonction d'onde (l'interprétant comme une densité de matière) tandis que Bohm et GRWf en avait une interprétation probabiliste. Il aurait été plus juste de dire que chacune de ces trois théories est en un sens forcée d'être réaliste à propos de la fonction d'onde, mais postule des choses supplémentaires, tandis que la façon dont la fonction d'onde elle-même est interprétée (objet ou disposition) est une affaire plus ou moins indépendante. A vrai dire je tend à penser maintenant que GRWm et GRWf sont de pures lubies de philosophe, ces deux théories étant construites pour résoudre des problèmes qui n'existent pas, et j'éviterai simplement à l'avenir de les mentionner comme des alternatives possibles de GRW dans le paysage des solutions au problème de la mesure. Je va

Indétermination, indéterminisme et réalisme (suite) : le réalisme modal

Dans le dernier billet nous avons évoqué plusieurs façons dont le monde pourrait être métaphysiquement indéterminé (à propos des faits futurs, ou des micro-états de la mécanique quantique), ce qui semble à première vue contredire le réalisme scientifique, du moins compris dans une optique logico-sémantique comme l'affirmation suivant laquelle nos théories, interprétées littéralement, sont vraies. Il semble en effet qu'une telle indétermination viole le principe du tiers-exclu : certains énoncés seraient ni vrais ni faux. Nous avons vu comment différentes interprétations de la mécanique quantique en viennent à sauver le réalisme, que ce soit en complétant la fonction d'onde, ou en l'interprétant de manière non probabiliste, comme décrivant un état finalement déterminé. Mais aucune n'est exempte de difficultés : soit (dans le cas des mondes multiples) elles ne rendent pas vraiment compte de l'aspect probabiliste des prédictions, soit elles se voient obligées de c

Indétermination, indéterminisme et réalisme en mécanique quantique

On peut concevoir le réalisme scientifique en terme de vérité-correspondance : être réaliste, c'est affirmer que nos théories sont (au moins approximativement) vraies, dans le sens où elles correspondent à une réalité objective, indépendante de nous. C'est la constitution de la réalité qui rend vrai nos théories (et non pas par exemple le fait qu'elles nous permettent d'interagir efficacement avec la réalité, suivant les conceptions pragmatistes de la vérité). Pour ma part j'ai tendance à défendre des conceptions pragmatistes de la vérité. Il est parfois entendu que ce type de conception ne peut vraiment supporter un réalisme. En effet il doit être possible de formuler un énoncé qui n'offre aucun moyen d'interagir avec la réalité, qui ne peut donc, pour le pragmatiste, avoir de valeur de vérité (par exemple le nombre de cheveux sur la tête de Jules César au moment de sa mort) mais qui, pour le réaliste, aura tout de même une valeur de vérité. Il faut différ

Relativité de l'identité des objets et fonctionnalisme

Dans le billet précédent j'ai défendu une assimilation du relativisme conceptuel (ou moral ou esthétique) et de la relativité en physique, ce qui permettrait de rendre le premier non-problématique : toute la question serait d'élaborer une géométrie conceptuelle (ou morale) permettant de traduire les différents points de vue les uns dans les autres. L'idée est qu'il doit exister un concept-chapeau relatif (comme la vitesse) généralisant des concepts de type "vitesse-pour-x" au sein d'une géométrie des points de vues possibles. Les interprétations relationnelles de la mécanique quantique laissent penser que ce relativisme peut se généraliser à tout état physique, qui serait en fait un "état-pour-x", à ceci près que le passage d'un point de vue à un autre est au mieux probabiliste. J'ai également défendu l'idée que généralement, en physique comme peut-être dans d'autres domaines, la relativité serait locale tandis qu'une objectiv

Relativisme conceptuel et relativité en physique : même combat ?

On peut parler de relativisme à propos d'un domaine de discours quand on pense que les énoncés de ce domaine sont toujours relatifs à un paramètre (un point de vue épistémique, un référentiel, ...). Par exemple : la télécommande est à droite de la télévision--relativement à mon point de vue la voiture de devant s'éloigne à une vitesse de 20 km/h--relativement à la mienne ces deux événements sont simultanés--relativement à mon référentiel cette particule a une masse M--relativement au référentiel terrestre Mais aussi, pourquoi pas, il est mal de voler--relativement à mon système de valeur moral ce tableau est laid--relativement à mes critères esthétiques les concombres ne sont pas bon--relativement à mes goûts le gouvernement fait une politique excellente--relativement à mon point de vue politique Voire enfin : la terre tourne autour du soleil--relativement à un point de vue copernicien les électrons existent--relativement au point de vue de la science m

L'arbre de la vie - mise à jour

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C'est les vacances. J'en ai profité pour mettre à jour mon arbre de la vie , notamment avec les différentes périodes d'évolution. Cliquez pour agrandir.

Note de lecture - l'esprit dans un monde physique (Kim)

Ce livre désormais classique de Kim, paru en 1998, constitue une excellente introduction à la philosophie de l'esprit, sous l'angle du problème de réduction du mental au physique et la question de la causalité mentale. Il s'agit en fait de quatre conférences constituées en chapitres. De par l'attention qu'il porte aux problèmes de réduction, il constitue également une excellente ressource pour qui s'intéresse aux problèmes de réduction en science en général. Dans cet article je propose d'en fournir un résumé assez complet (mais qui ne vaut pas le livre, je vous conseille donc de le lire !) puis d'y apporter quelques commentaires sur la manière dont, je pense, il est possible d'échapper à l'argumentation de Kim.

Le concept d'identité et le rôle de la métaphysique

Les métaphysiciens débattent de différentes questions d'identité. On peut concevoir l'identité comme une relation que toute chose entretient à elle-même, et à elle-même uniquement. Mais tout ça ne va pas sans poser certains problèmes relatifs au changement et à la composition, que la légende du bateau de Thésée permet d'illustrer : à partir de quel moment un bateau dont on remplace successivement les planches n'est plus le même ? Si l'on fixe un seuil arbitraire, alors on perd la transitivité de l'identité, ce qui pose problème. Si l'on considère que le bateau reste le même pour peu qu'il y ait une continuité suffisante, que dire d'un bateau qu'on reconstruirait avec les planches de l'ancien, à l'identique ? Le bateau de Thésée s'est-il dédoublé ? Après tout si je sépare les parties d'une montre pour la réparer et la reconstruire ensuite, je serai tenté de dire que c'est bien la même montre : n'est-ce pas la même chose p

Nouveau blog de vulgarisation philosophique

Je signale aux lecteurs de ce blog qui ne me suivent pas sur Twitter que j'ai ouvert un nouveau blog de "vulgarisation philosophique" en philosophie des sciences, à destination d'un public plus large que celui-ci. Le projet est expliqué ici , puis le champs de la philosophie des sciences ici . Un premier billet parle du scientisme et du mouvement de l'empirisme logique. Bonne lecture !

L'aspect intentionnel de la représentation scientifique

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Dans "Scientific representation", Van Fraassen fournit plusieurs exemples éclairants de ce qu'est la représentation en général, et comme celle-ci se différencie d'une simple copie de ce qui est représenté. Par exemple, une caricature (de Margaret Tatcher en dragon) ne prétend pas être une reproduction fidèle de son objet : elles implique certaines déformations volontaires qui ont pour but de mettre en avant des caractéristiques précises. Un plan du métro ne prétend pas non plus être une copie exacte du métro, il déforme la position exacte des stations dans la mesure où il sert un but précis : celui de se déplacer dans le réseau (et un plan qui servirait un autre but aurait une forme différente). Contrairement à une simple copie, une représentation sert un but, elle ne prend sens qu'en rapport à une intention. Si par exemple je prend une photo d'une carte postale de la tour Eiffel, cette photo peut servir : à représenter la tour Eiffel directement dans le cas

Pourquoi la philosophie de l'esprit doit s'intéresser à la physique

J'ai écrit il y a longtemps un article qui essayait de défendre l'idée que le problème de l'esprit n'est pas indépendant des problèmes d'interprétation de la mécanique quantique . Le problème est que cet article est relativement long, et qu'il mêle cet argument à mes différentes thèses en philosophie de la physique et en philosophie de l'esprit. Or je pense qu'il est possible de défendre l'idée que la philosophie de l'esprit devrait s'intéresser à la physique de manière plus ou moins indépendante, et plus succincte, en faisant simplement deux observations. Les deux problèmes de la conscience La première observation, c'est qu'il y a deux type de questions distinctes concernant la conscience. La première est plutôt empirique : comment est-il possible que certains organismes complexes développent des facultés cognitives, un langage, adoptent des comportements rationnels, qu'ils soient capables de mettre en œuvre des projets, et

La distinction analytique et le rapport d'abstraction

J'avais entamé dans des articles récents une réflexion sur la causalité. Malheureusement mon travail de thèse (ainsi que la préparation de cours) m'empêche de m'y consacrer plus avant dans l'immédiat : il me faut d'abord revenir à un travail de fond qui me permettra, je l'espère, d'établir dans le cadre du doctorat une base solide afin d'élaborer de manière plus précise et détaillée ces différents aspects, ainsi que d'autres liés aux thèmes développés sur ce blog depuis plusieurs années. Mais afin de ne pas laisser ce blog à l'abandon, je me propose d'y publier des articles qui sont plus directement en lien avec les thèmes de mes recherches actuelles ou des cours que je prépare, peut-être en m'autorisant ici quelques égarements supplémentaires. Ces thèmes concernent essentiellement, pour l'instant, la question de la signification. Dans cet article, je propose de revenir sur la distinction entre vérité analytique et synthétique.