La conscience matérielle
Voilà une question qui a taraudé de nombreuses personnes : l'esprit est-il matériel ?
Le dualisme et le matérialisme
La question peut paraitre idiote à première vue, car si nous décidons d'appeler matière ce dont est fait le monde, et puisque nous appartenons au monde, alors notre esprit est forcément fait de matière. Cependant on pourrait postuler qu'il existe au monde deux types de substances de natures différentes : l'une, la matière, obéissant à des lois et susceptible d'être rendue objective, et l'autre, l'âme, qui serait la substance de nos esprits, échappant à l'objectivisation. Il s'agit de la position dualiste.
Le dualisme pose un certains nombres de problèmes. Il va de soi que notre existence est rattaché à la matière, et en particulier à celle du cerveau. Il n'y a pas, à notre connaissance, d'esprit sans corps. La conscience apparait au cours du développement de l'être humain et s'y développe avec lui. Il y a un continuum entre l'état conscient et l'état inconscient. Or le dualisme n'explique rien de tout ça, ni la façon dont l'âme supposée s'attache à la matière, dont elle est liée au cerveau, ni la raison pour laquelle un esprit unique nous habite. Il nous oblige à admettre des hypothèses ad-hoc qui nous interdisent tout simplement de chercher à en savoir plus.
Par ailleurs aucune manifestation particulière d'une substance autre que la matière, par exemple quelque chose qui enfreindrait ses lois, n'a jamais été détectée ni au sein du cerveau ni ailleurs. L'esprit perçu comme objet, c'est à dire à travers l'ensemble de ses manifestations physiques, semble être tout a fait matériel, de la même matière dont sont faites toutes les autres choses, si bien qu'on n'a aucune raison de supposer qu'il soit autre chose qu'une émanation de cette matière. Il s'agit là de la position matérialiste.
Pourtant de nombreuses personnes adhèrent intuitivement au dualisme pour des raisons évidentes qu'on peut résumer simplement comme ceci : la matière ne pense pas. La description en terme de particules interagissantes suivant des lois précises semble radicalement incompatible avec l'esprit tel que nous le vivons, entité unique habitant le corps et capable de percevoir et d'agir sur le monde. La vision scientifique du monde qui veut nous assimiler à l'ensemble de nos manifestations est trop réductrice pour rendre compte de la conscience vécue.
Il est possible de résoudre ce dilemme en admettant que ce n'est pas tant le principe du matérialisme en tant que tel qui est réducteur que finalement l'idée que l'on se fait de la matière. Nous avions jeté les bases de cette idée dans un précédant billet en prônant une extension du naturalisme philosophique qui laisse pleinement sa place à la transcendance et à la singularité de l'existence elle même. Pour poursuivre dans cette direction, peut-on imaginer un matérialisme qui rende compte parfaitement de tous les aspects de l'esprit tel que nous le vivons ? C'est ce que nous allons tenter de construire ici.
La matière-esprit
Nous reprenons ici les caractéristiques essentielles de la conscience que nous avions distinguées précédemment : la conscience est perception de la matière (et plus précisément de nos états mentaux), elle est volonté (a minima l'impression de la volonté), enfin ajoutons qu'elle est une entité unique à l'échelle du corps humain, mais distincte d'un corps à l'autre. Lors de ce précédant billet, nous avions vu qu'il était possible de rassembler la perception et la volonté en un seul concept que nous avons appelé le mouvement de conscience, et dont nous avons établi les liens avec l'écoulement du temps. Le problème auquel nous faisons face est donc de réussir à penser ce mouvement de conscience comme quelque chose émergeant de la matière.
Mais est-il vraiment possible de concevoir la perception de la matière comme une propriété émergente, c'est à dire apparaissant à une certaine échelle matérielle, celle du cerveau, sans qu'elle n'existe dans ses constituants ? Il semble bien que ce problème revienne à imaginer, par exemple, que la capacité d'un objet à se mouvoir soit une propriété émergente sans qu'aucun de ses constituants ne puisse lui même bouger, et ce problème est insoluble. Un certains type de mouvement peut être considéré comme une propriété émergente (par exemple un mouvement circulaire dans un fluide chauffé), mais le pré-requis à cela est que les constituants de l'objet (ici les particules du fluide) soient elles-mêmes douées de la possibilité de se mouvoir. Il en va de même pour les caractéristiques de la conscience. Il est impossible d'imaginer un agencement quelconque d'objets matériels qui fasse émerger une propriété telle que "la possibilité de percevoir ou d'agir sur la matière". Il faut donc que ces constituants possèdent eux-même cette propriété. Dans l'hypothèse du matérialisme, nous devons donc admettre que ce que nous avons appelé "mouvement de conscience" est nécessairement une propriété intrinsèque de la matière que l'on doit retrouver jusqu'à l'échelle microscopique.
A ce niveau du raisonnement nous sommes arrivé à une conclusion pour le moins étrange : la matière pense. Cette conclusion semble à priori peu crédible. Selon toute évidence, la matière inerte ne possède pas naturellement les caractéristiques d'un être conscient. Mais dire que la matière "pense" ne signifie pas qu'elle possède nos facultés supérieures que sont la mémoire, le raisonnement, la conceptualisation ou l'élaboration d'une représentation du monde. En effet ces aspects là peuvent très bien être pensés comme émergeant d'un agencement de sous-systèmes, comme étant issus d'une structure, de même qu'un type de mouvement peut émerger au sein d'un fluide. Finalement chaque particule peut être "consciente" à l'échelle microscopique sans que cela n'ait le moindre impact à notre échelle. Enfin puisqu'il existe un continuum dans les états de conscience et d'attention, on imagine qu'une telle conscience doit être infiniment moins aigue que la notre. La matière serait alors habitée de petits esprits évanescent sans structure ni envergure, disparaissant aussi vites qu'ils sont apparus et laissant place, vu de très loin, simplement à quelque chose qui obéit à des lois déterministes.
Mais alors comment rendre compte du fait que nous, être humains, possédions une conscience unique à grande échelle ? Il faut pour cela supposer qu'il existe une propriété supplémentaire à notre "matière-esprit" qui serait une forme d'agrégation. Il faut qu'un ensemble de particules matérielles micro-conscientes soient capables dans certaines conditions de se "mettre ensembles" pour former un esprit plus grand, une macro-conscience, qui deviendrait en même temps plus intense. Il faut de plus que ces conditions soient précisément celles remplies par notre cerveau ou par notre corps, tandis qu'en dehors du corps et du cerveau, l'esprit de la matière se "désagrégerait" naturellement en petits esprits microscopiques évanescents.
C'est à ce prix que nous pouvons expliquer pourquoi selon toute apparence, la matière ne pense pas, bien qu'en réalité, à travers nous, elle pense. C'est à ce prix que nous pouvons élaborer un matérialisme compatible avec notre existence.
Confrontation au modèle scientifique
Nous en avons donc terminé avec l'élaboration d'un "matérialisme non réducteur" capable d'expliquer l'esprit aussi bien que le dualisme. La conclusion de notre raisonnement est que toute matière doit être douée de conscience à l'état microscopique, et que certaines conditions (celles du cerveau) doivent permettre à ces consciences microscopiques de s'agréger en une seule conscience macroscopiques, tandis que d'autres conditions (partout ailleurs) ne le permettent pas.
Il va sans dire que ce serait une chose formidable si la description scientifique de la matière correspondait exactement à cette vision des choses, si elle rendait déjà compte de tous ces phénomènes supposés de manière parfaitement identique. Cela viendrait fortement appuyer notre hypothèse, et nous aurions une explication toute trouvée à l'émergence de l'esprit. Il se trouve que c'est précisément le cas.
Le phénomène de "réduction du paquet d'onde" lors de la mesure quantique, qui pose aujourd'hui des problèmes d'interprétation du fait qu'il ne peut être rendu objectif sans pour autant qu'il soit possible de nier son existence (heuristique ou réelle), est clairement identifiable à un mouvement de conscience unitaire au sein de la matière parce qu'il en possède toutes les caractéristiques : il associe d'un même mouvement observation et action sur la matière et possède un rapport au temps et à l'objectivité qui est semblable à celui de la conscience, et qui en fait nécessairement le lieu de la transcendance propre à l'existence consciente. Ceci explique qu'il ne puisse être rendu objectif : le sujet est irréductible à une description objective. Ceci explique qu'il introduise une indétermination fondamentale : le sujet est fondamentalement inconnaissable et fondamentalement libre.
Par ailleurs on retrouve exactement le phénomène d'agrégation et de désagrégation que nous avions du supposer dans le formalisme de la physique quantique, à travers la notion d'intrication. L'intrication est la manifestation, suite à une interaction entre plusieurs systèmes quantiques, d'un lien de corrélation entre ces systèmes, ce qui signifie concrètement que le phénomène de mesure quantique ne s'applique plus sur l'un ou l'autre des systèmes mais de manière corrélée sur les deux à la fois. Il s'agit bien d'un mécanisme d'agrégation vis à vis de la mesure quantique. A l'inverse, la décohérence est un phénomène de désagrégation qui consiste en la disparition des corrélations au cours du temps. C'est la décohérence qui explique que notre monde macroscopique ne possède pas les propriétés quantiques de la matière, qu'il semble au contraire déterministe et séparable.
Si notre hypothèse est juste, l'intrication est un phénomène qui permet aux esprits de fusionner en esprits plus grands, tandis que la décohérence est un phénomène qui confine l'esprit aux petites échelles et lui empêche d'acquérir une envergure macroscopique. Ceci laisse entrevoir de nouvelles propriétés de l'esprit (la fusion et la désagrégation) qu'il serait judicieux de confronter à notre expérience, ce que nous ne manquerons pas de faire prochainement. Mais avant ça il nous reste à expliquer plus précisément l'émergence et la cohérence de l'esprit humain au sein du cerveau.
Conclusion
Nombreux sont les physiciens et les philosophes qui ont entrevu un lien possible entre la conscience et la physique quantique, et ce à juste titre, on le voit, car la théorie quantique de la matière, et elle seule, parce qu'elle offre une vision non déterministe et inséparable de la matière, peut servir d'assise parfaitement cohérente à un principe matérialiste qui expliquerait entièrement le phénomène de la conscience, non seulement dans ses manifestations objectives, mais aussi et surtout tel qu'il est vécu.
Pourtant il est généralement admis que le comportement quantique de la matière, justement à cause de la décohérence, reste confiné aux très petites échelles, en deçà de l'échelle biologique. Voilà qui semble s'opposer à toute théorie de l'esprit qui voudrait se baser sur la physique quantique : le biologique n'est pas quantique, il est au contraire parfaitement déterministe.
Nous donnerons dans un prochain billet différentes arguments, basé sur des résultats scientifiques, qui semble nous permettre de dépasser cet obstacle et comprendre de manière précise comment l'esprit humain émerge du cerveau.
Le dualisme et le matérialisme
La question peut paraitre idiote à première vue, car si nous décidons d'appeler matière ce dont est fait le monde, et puisque nous appartenons au monde, alors notre esprit est forcément fait de matière. Cependant on pourrait postuler qu'il existe au monde deux types de substances de natures différentes : l'une, la matière, obéissant à des lois et susceptible d'être rendue objective, et l'autre, l'âme, qui serait la substance de nos esprits, échappant à l'objectivisation. Il s'agit de la position dualiste.
Le dualisme pose un certains nombres de problèmes. Il va de soi que notre existence est rattaché à la matière, et en particulier à celle du cerveau. Il n'y a pas, à notre connaissance, d'esprit sans corps. La conscience apparait au cours du développement de l'être humain et s'y développe avec lui. Il y a un continuum entre l'état conscient et l'état inconscient. Or le dualisme n'explique rien de tout ça, ni la façon dont l'âme supposée s'attache à la matière, dont elle est liée au cerveau, ni la raison pour laquelle un esprit unique nous habite. Il nous oblige à admettre des hypothèses ad-hoc qui nous interdisent tout simplement de chercher à en savoir plus.
Par ailleurs aucune manifestation particulière d'une substance autre que la matière, par exemple quelque chose qui enfreindrait ses lois, n'a jamais été détectée ni au sein du cerveau ni ailleurs. L'esprit perçu comme objet, c'est à dire à travers l'ensemble de ses manifestations physiques, semble être tout a fait matériel, de la même matière dont sont faites toutes les autres choses, si bien qu'on n'a aucune raison de supposer qu'il soit autre chose qu'une émanation de cette matière. Il s'agit là de la position matérialiste.
Pourtant de nombreuses personnes adhèrent intuitivement au dualisme pour des raisons évidentes qu'on peut résumer simplement comme ceci : la matière ne pense pas. La description en terme de particules interagissantes suivant des lois précises semble radicalement incompatible avec l'esprit tel que nous le vivons, entité unique habitant le corps et capable de percevoir et d'agir sur le monde. La vision scientifique du monde qui veut nous assimiler à l'ensemble de nos manifestations est trop réductrice pour rendre compte de la conscience vécue.
Il est possible de résoudre ce dilemme en admettant que ce n'est pas tant le principe du matérialisme en tant que tel qui est réducteur que finalement l'idée que l'on se fait de la matière. Nous avions jeté les bases de cette idée dans un précédant billet en prônant une extension du naturalisme philosophique qui laisse pleinement sa place à la transcendance et à la singularité de l'existence elle même. Pour poursuivre dans cette direction, peut-on imaginer un matérialisme qui rende compte parfaitement de tous les aspects de l'esprit tel que nous le vivons ? C'est ce que nous allons tenter de construire ici.
La matière-esprit
Nous reprenons ici les caractéristiques essentielles de la conscience que nous avions distinguées précédemment : la conscience est perception de la matière (et plus précisément de nos états mentaux), elle est volonté (a minima l'impression de la volonté), enfin ajoutons qu'elle est une entité unique à l'échelle du corps humain, mais distincte d'un corps à l'autre. Lors de ce précédant billet, nous avions vu qu'il était possible de rassembler la perception et la volonté en un seul concept que nous avons appelé le mouvement de conscience, et dont nous avons établi les liens avec l'écoulement du temps. Le problème auquel nous faisons face est donc de réussir à penser ce mouvement de conscience comme quelque chose émergeant de la matière.
Mais est-il vraiment possible de concevoir la perception de la matière comme une propriété émergente, c'est à dire apparaissant à une certaine échelle matérielle, celle du cerveau, sans qu'elle n'existe dans ses constituants ? Il semble bien que ce problème revienne à imaginer, par exemple, que la capacité d'un objet à se mouvoir soit une propriété émergente sans qu'aucun de ses constituants ne puisse lui même bouger, et ce problème est insoluble. Un certains type de mouvement peut être considéré comme une propriété émergente (par exemple un mouvement circulaire dans un fluide chauffé), mais le pré-requis à cela est que les constituants de l'objet (ici les particules du fluide) soient elles-mêmes douées de la possibilité de se mouvoir. Il en va de même pour les caractéristiques de la conscience. Il est impossible d'imaginer un agencement quelconque d'objets matériels qui fasse émerger une propriété telle que "la possibilité de percevoir ou d'agir sur la matière". Il faut donc que ces constituants possèdent eux-même cette propriété. Dans l'hypothèse du matérialisme, nous devons donc admettre que ce que nous avons appelé "mouvement de conscience" est nécessairement une propriété intrinsèque de la matière que l'on doit retrouver jusqu'à l'échelle microscopique.
A ce niveau du raisonnement nous sommes arrivé à une conclusion pour le moins étrange : la matière pense. Cette conclusion semble à priori peu crédible. Selon toute évidence, la matière inerte ne possède pas naturellement les caractéristiques d'un être conscient. Mais dire que la matière "pense" ne signifie pas qu'elle possède nos facultés supérieures que sont la mémoire, le raisonnement, la conceptualisation ou l'élaboration d'une représentation du monde. En effet ces aspects là peuvent très bien être pensés comme émergeant d'un agencement de sous-systèmes, comme étant issus d'une structure, de même qu'un type de mouvement peut émerger au sein d'un fluide. Finalement chaque particule peut être "consciente" à l'échelle microscopique sans que cela n'ait le moindre impact à notre échelle. Enfin puisqu'il existe un continuum dans les états de conscience et d'attention, on imagine qu'une telle conscience doit être infiniment moins aigue que la notre. La matière serait alors habitée de petits esprits évanescent sans structure ni envergure, disparaissant aussi vites qu'ils sont apparus et laissant place, vu de très loin, simplement à quelque chose qui obéit à des lois déterministes.
Mais alors comment rendre compte du fait que nous, être humains, possédions une conscience unique à grande échelle ? Il faut pour cela supposer qu'il existe une propriété supplémentaire à notre "matière-esprit" qui serait une forme d'agrégation. Il faut qu'un ensemble de particules matérielles micro-conscientes soient capables dans certaines conditions de se "mettre ensembles" pour former un esprit plus grand, une macro-conscience, qui deviendrait en même temps plus intense. Il faut de plus que ces conditions soient précisément celles remplies par notre cerveau ou par notre corps, tandis qu'en dehors du corps et du cerveau, l'esprit de la matière se "désagrégerait" naturellement en petits esprits microscopiques évanescents.
C'est à ce prix que nous pouvons expliquer pourquoi selon toute apparence, la matière ne pense pas, bien qu'en réalité, à travers nous, elle pense. C'est à ce prix que nous pouvons élaborer un matérialisme compatible avec notre existence.
Confrontation au modèle scientifique
Nous en avons donc terminé avec l'élaboration d'un "matérialisme non réducteur" capable d'expliquer l'esprit aussi bien que le dualisme. La conclusion de notre raisonnement est que toute matière doit être douée de conscience à l'état microscopique, et que certaines conditions (celles du cerveau) doivent permettre à ces consciences microscopiques de s'agréger en une seule conscience macroscopiques, tandis que d'autres conditions (partout ailleurs) ne le permettent pas.
Il va sans dire que ce serait une chose formidable si la description scientifique de la matière correspondait exactement à cette vision des choses, si elle rendait déjà compte de tous ces phénomènes supposés de manière parfaitement identique. Cela viendrait fortement appuyer notre hypothèse, et nous aurions une explication toute trouvée à l'émergence de l'esprit. Il se trouve que c'est précisément le cas.
Le phénomène de "réduction du paquet d'onde" lors de la mesure quantique, qui pose aujourd'hui des problèmes d'interprétation du fait qu'il ne peut être rendu objectif sans pour autant qu'il soit possible de nier son existence (heuristique ou réelle), est clairement identifiable à un mouvement de conscience unitaire au sein de la matière parce qu'il en possède toutes les caractéristiques : il associe d'un même mouvement observation et action sur la matière et possède un rapport au temps et à l'objectivité qui est semblable à celui de la conscience, et qui en fait nécessairement le lieu de la transcendance propre à l'existence consciente. Ceci explique qu'il ne puisse être rendu objectif : le sujet est irréductible à une description objective. Ceci explique qu'il introduise une indétermination fondamentale : le sujet est fondamentalement inconnaissable et fondamentalement libre.
Par ailleurs on retrouve exactement le phénomène d'agrégation et de désagrégation que nous avions du supposer dans le formalisme de la physique quantique, à travers la notion d'intrication. L'intrication est la manifestation, suite à une interaction entre plusieurs systèmes quantiques, d'un lien de corrélation entre ces systèmes, ce qui signifie concrètement que le phénomène de mesure quantique ne s'applique plus sur l'un ou l'autre des systèmes mais de manière corrélée sur les deux à la fois. Il s'agit bien d'un mécanisme d'agrégation vis à vis de la mesure quantique. A l'inverse, la décohérence est un phénomène de désagrégation qui consiste en la disparition des corrélations au cours du temps. C'est la décohérence qui explique que notre monde macroscopique ne possède pas les propriétés quantiques de la matière, qu'il semble au contraire déterministe et séparable.
Si notre hypothèse est juste, l'intrication est un phénomène qui permet aux esprits de fusionner en esprits plus grands, tandis que la décohérence est un phénomène qui confine l'esprit aux petites échelles et lui empêche d'acquérir une envergure macroscopique. Ceci laisse entrevoir de nouvelles propriétés de l'esprit (la fusion et la désagrégation) qu'il serait judicieux de confronter à notre expérience, ce que nous ne manquerons pas de faire prochainement. Mais avant ça il nous reste à expliquer plus précisément l'émergence et la cohérence de l'esprit humain au sein du cerveau.
Conclusion
Nombreux sont les physiciens et les philosophes qui ont entrevu un lien possible entre la conscience et la physique quantique, et ce à juste titre, on le voit, car la théorie quantique de la matière, et elle seule, parce qu'elle offre une vision non déterministe et inséparable de la matière, peut servir d'assise parfaitement cohérente à un principe matérialiste qui expliquerait entièrement le phénomène de la conscience, non seulement dans ses manifestations objectives, mais aussi et surtout tel qu'il est vécu.
Pourtant il est généralement admis que le comportement quantique de la matière, justement à cause de la décohérence, reste confiné aux très petites échelles, en deçà de l'échelle biologique. Voilà qui semble s'opposer à toute théorie de l'esprit qui voudrait se baser sur la physique quantique : le biologique n'est pas quantique, il est au contraire parfaitement déterministe.
Nous donnerons dans un prochain billet différentes arguments, basé sur des résultats scientifiques, qui semble nous permettre de dépasser cet obstacle et comprendre de manière précise comment l'esprit humain émerge du cerveau.
Commentaires
Il est impossible d'imaginer un agencement quelconque d'objets matériels qui fasse émerger une propriété telle que "la possibilité de percevoir ou d'agir sur la matière". Il faut donc que ces constituants possèdent eux-même cette propriété. Dans l'hypothèse du matérialisme, nous devons donc admettre que ce que nous avons appelé "mouvement de conscience" est nécessairement une propriété intrinsèque de la matière que l'on doit retrouver jusqu'à l'échelle microscopique
Raisonnement à mon avis totalement fallacieux. A ce titre, il faudrait, puisque l'homme "voit", qu'il existe une propriété intrinsèque de la matière appelé "vision". Et on pourrait continuer avec toute les propriétés émergentes à l'échelle individuelle comme l'audition, voir collective comme la religion ! Ce qui n'a évidemment aucun sens.
le sujet est irréductible à une description objective. Ceci explique qu'il introduise une indétermination fondamentale : le sujet est fondamentalement inconnaissable et fondamentalement libre.
A mon sens, il n'y a aucun lien entre notre incapacité à décrire un objet totalement et son dégré de liberté. Un système totalement indéterminée car totalement soumis au hasard n'est pas nécessaire plus libre qu'un système au causalités totalement déterminée.
Encore faudrait-il définir clairement le terme liberté avant de lui attribuer des propriétés
Cordialement,
http://cybionte.blogspot.com/
La vision peut être conçue comme un agencement matériel : une entité qui perçoit "quelquechose" - une subjectivité, et un système qui offre à cette entité des signaux correspondant à des rayons lumineux, une information "visuelle" (sans oublier le "prémâchage" des fonctions cognitives comme la reconnaissance des formes, la représentation spatiale etc.).
La dedans ce qui est réellement irréductible, c'est la faculté de percevoir "quelquechose", la subjectivité. On en revient donc toujours au même.
Sur le 2eme point : effectivement le fait d'être inconnaissable n'implique pas d'être libre, mais le fait d'être libre implique d'être inconnaissable, au moins en partie. Il s'agit plutôt d'un raisonnement par induction, pas d'une déduction logique. Je ne "prouve" pas que la réduction du paquet d'onde est l'expression d'une liberté, mais elle est "compatible" parce que fondamentalement inconnaissable, et donc très certainement le lieu de la subjectivité.
«Il est impossible d'imaginer un agencement quelconque d'objets matériels qui fasse émerger une propriété telle que "la possibilité de percevoir ou d'agir sur la matière". Il faut donc que ces constituants possèdent eux-même cette propriété. Dans l'hypothèse du matérialisme, nous devons donc admettre que ce que nous avons appelé "mouvement de conscience" est nécessairement une propriété intrinsèque de la matière que l'on doit retrouver jusqu'à l'échelle microscopique.»
Je suis d'accord avec Cybionte pour dire que cet argument est terriblement fallacieux. Si l'on suppose que la pensée complexe, la conscience et la volonté sont constituées d'une somme d'interactions entre les neurones, alors il est évident que le tout pourra avoir des propriétés que ne possèdent pas ses parties.
J'ai l'impression que le but de ton raisonnement était surtout de pouvoir faire un lien entre l'esprit et le monde quantique, et ce simplement parce que la physique quantique est une science dans laquelle nous sommes (pour l'instant) incapable de faire de modèle nous permettant d'établir des prédictions, ce qui aurait pour effet à la fois de soutenir la croyance au libre-arbitre (si défini comme l'indéterminisme) et de «cacher» l'âme dans un endroit où son inexistence est indémontrable.
Cela m'apparaît moins motivée par une démarche rationnelle qu'à un désir viscéral ou une croyance préexistante. Ce n'est pas parce que la connaissance de l'esprit humain et la physique quantique sont deux disciples dans laquelle la science est trop peut avancée pour établir des prédictions fiables, que ces deux sont nécessairement liées.
D'autre part si par l'impossibilité de faire des prédictions tu fais référence à l'aspect probabiliste de la théorie, il est assez présomptueux de dire que c'est un "pour l'instant", c'est à dire que la théorie sera à terme remplacée par une autre, déterministe, que nous ne possédons pas pour l'instant. Ici c'est toi qui exprime une croyance irrationnelle forte, en l'occurrence qu'il puisse exister une description déterministe du monde. Seulement l'aspect probabiliste de la physique quantique s'avère beaucoup plus fondamentale que celle d'une limitation de notre part. En gros, à l'inverse des probas "classiques" les probas de la physique quantique ne s'interprètent pas comme reflétant une ignorance ou une imprécision parce qu'elles ont un rôle ontologique (les différents états probables "superposés" interfèrent entre eux, et ces interférences sont mesurables, donc une particule est "réellement" une onde de probabilité).
Tout laisse penser au contraire que l'aspect probabiliste est un aspect fondamentale de la réalité. Dire de la physique quantique "qu'elle ne nous permet pas pour l'instant de faire des modèles et d'obtenir des prédictions" est donc erroné. La difficulté de cette physique n'est pas de savoir l'appliquer (on sait très bien le faire) mais au contraire de comprendre ce qu'elle nous dit sur la réalité.
Si ensuite je fais effectivement un lien entre physique quantique et l'esprit, c'est beaucoup plus que par simple commodité. Ce n'est pas simplement parce que je retrouve dans la physique quantique ce qui m'intéresse à propos de l'esprit. Premièrement, c'est parce que la physique quantique n'est pas quelque chose "à la marge", mais quelque chose "à la base" : le monde entier est ultimement composé de matière qui obéit aux lois quantiques, donc la physique quantique est la meilleur description que nous avons de la réalité elle même. Ensuite et surtout c'est parce que la physique quantique a des implications épistémologiques profondes, et donc, de fait, elle pose la question de notre relation au monde, à nous, esprits capables de se forger une représentation de la réalité, et de la relation entre cette représentation mathématique de la réalité (une onde de probabilité) et la réalité vécue elle même (où on n'observe jamais de superposition d'états probables, mais un seul état). Donc il y a bien un rapport à l'esprit, en tant qu'entité capable de se représenter le monde, et un rapport à l'expérience consciente, qui nécessite de faire intervenir une "réduction du paquet d'onde" pour être rendue, une sorte "d'instantiation" à partir du modèle, alors que cette réduction n'appartient pas à la théorie elle même, puisqu'on n'en a pas besoin pour décrire l'évolution d'un système matériel. Seulement si on ignore cette "réduction", on se retrouve dans une description du type multi-monde, où tout existe et donc rien n'existe vraiment. On ne rend plus compte de la réalité vécue. Il y a donc un lien étroit entre la "réduction du paquet d'onde" et l'expérience consciente, bien plus qu'une simple commodité du fait de l' indéterminisme de cette réduction...
Le problème c'est qu'il faut bien différencier les descriptions "à la première personne" (l'expérience consciente) et les descriptions "à la troisième personne" (de l'extérieur).
Mon argument concerne une description "à la première personne".
Si on se focalise sur une description "à la troisième personne", il est évident qu'on peut faire intervenir l'émergence pour expliquer la cohérence du comportement humain. Mais ça n'implique pas que l'unité de ce qu'on observe soit réelle : on peut décrire des phénomène émergent comme un tourbillon au sein d'un liquide, mais à l'évidence, le liquide reste un ensemble de particules séparables. Ca ne viendrait à l'idée de personne d'affirmer que parce que le tourbillon est "plus que la somme des parties" (parce qu'il fait intervenir les interactions entre molécules d'eau), il existe un "vécu" à l'échelle du tourbillon.
Autrement dit avec l'émergence, l'existence d'un "tout" qui est "plus que les parties" n'est que relative à un observateur, c'est une "explication", mais le "tout" n'existe pas en lui même au delà de notre interprétation : ce qui existe, ce sont des parties en interaction.
De la même façon, ce n'est pas parce qu'on explique le comportement humain en terme d'émergence "à la troisième personne" qu'il existe une entité unique et un "vécu" à l'échelle d'un homme. La description "à la troisième personne" de l'esprit comme phénomène émergent ne nous renseigne pas du tout sur l'existence d'une conscience unique "à la première personne", bien au contraire, elle a tendance à la dissoudre et à nier son existence en la réduisant à une somme d'interactions.
Si on se place dans une perspective "à la première personne", l'émergence ne fonctionne plus comme argument. On ne peut pas expliquer quelque chose qui est vécu comme unique par l'émergence d'un "tout" qui ne serait qu'une interprétation ou une explication. Si vraiment l'expérience consciente est vécue comme unique, c'est qu'elle est une unité réelle et non pas une composition. D'ailleurs il n'y a rien de plus réel que l'expérience consciente, c'est la base de tout.
Donc la faculté de percevoir subjectivement "quelque chose" (pas forcément la vision, mais une émotion, une pensée, un état d'esprit) ne peut pas être issu d'une composition de choses qui n'ont pas cette faculté. De la même façon, la capacité de se mouvoir ne peut pas émerger d'une composition de parties immobiles. Si nous sommes matérialiste, il faut admettre que c'est nécessairement une propriété de la matière.
Quand on dit d'une eau qu'elle a la propriété d'être chaude, ça veut simplement dire que si on met son doigt dedans on ressentira de la chaleur, ou que si l'on y met un thermomètre, le mercure montera jusqu'à un certain point. La propriété d'être chaud n'est qu'une interprétation des choses issue de l'observation, ce n'est pas quelque chose qui existe en soi.
A l'inverse, la conscience (l'expérience subjective) existe en soi. Elle n'est pas issue de l'observation : je ne peux pas savoir, en observant quelqu'un, s'il est réellement conscient ou s'il s'agit d'une machine perfectionnée qui me le laisse croire. La conscience n'est donc pas une propriété dans le même sens que la chaleur, et donc on ne peut pas véritablement parler d'émergence.
Je ne crois pas que le chat de Shrödinger est à la fois mort et vivant et que son état se fixe seulement lorsque quelqu'un le regarde... c'est comme de dire qu'il y a une licorne dans mon appartement mais qu'elle disparait aussitôt qu'on la regarde. Bref, je me méfie de tout ce qui se teinte de physique quantique sans en être.
Mais bien qu'elle soit au fondement de la matière, la physique quantique n'a pas plus de lien avec le fonctionnement de l'esprit humain qu'avec la politique, l'économie, ou les règlements du baseball.
Mais revenons à l'argument principal. Ainsi, si je te comprends bien, tu reconnais que le tout peu posséder des attributs différents de ses parties mais tu ne peux concevoir que la conscience soit sécable alors elle est forcément lié à l'infiniment petit? Je comprends mieux le lien que tu fais avec la physique quantique. C'est quelque chose que je trouve intéressant à propos de la croyance en l'âme: on se la représente à la fois comme une chose complexe et insécable (ce qui est paradoxal). Personnellement, je pense que les différents attributs que l'on donne à l'âme viennent d'une incapacité qu'a notre conscience de se faire une représentation correcte d'elle-même. J'en parle sur mon blog ici:
http://chezfeelozof.blogspot.com/2009/01/les-illusions-inhrentes-toute.html
Le passage important c'est: «Pour faire une analogie, prenons une caméra qui filme quelque chose. Il y aura une distinction entre la réalité filmée et l'enregistrement de cette réalité à l'intérieur de la caméra. Si je compare la caméra à la réalité, je constate qu'elles appartiennent toute deux à un même monde objectif où tout est éphémère et décomposable. Mais si elle se compare au film qu'elle contient, la caméra se verra comme quelque chose de distinct. Elle semblera plus tangible, éternelle et indivisible, extérieure à l'enregistrement qu'elle renferme. La caméra transcende les données qu'elle contient. C'est pareil pour notre esprit.»
Je pense donc que de se représenter la conscience à partir d'une perspective «à la première personne» n'est sans doute pas la bonne démarche.
Ensuite pour la "sécabilité"...
Tout d'abord, je me situe dans une démarche matérialiste, donc je ne parle pas d'âme comme d'une entité non matérielle, mais de la conscience, ou plus généralement de l'existence.
Ensuite je ne peux pas admettre que l'insécabilité soit quelque chose qu'on "attribuerait" à la conscience, comme s'il s'agissait d'une représentation des choses qu'on se fait, qui pourrait s'avérer vraie ou fausse (puisque c'est une représentation, elle peut être mise à jour).
Je n'attribue pas l'insécabilité à la conscience, mais je constate que mon vécu est unique, voilà tout, et je suis beaucoup plus certain que mon vécu est unique que de quoi que ce soit d'autre, y compris de n'importe quelle vérité scientifique, puisque ça m'est donné comme tel sans que je n'y puisse rien. Ca n'a rien à voir avec un attribut que je donnerai à ma représentation de l'âme. Et ce n'est certainement pas une croyance. Une croyance a un sujet : celui qui croit, tout comme une représentation a aussi un sujet : celui qui se représente. Et ce sujet est unique... Si on affirme que l'insécabilité n'est qu'un simple attribut au sein d'une représentation, on sous-entend déjà qu'il existe un sujet insécable à cette représentation. C'est sans issues !
L'image de la caméra est intéressante mais elle ne s'applique pas à l'insécabilité, puisque tu pose d'emblée comme un prémisse que la caméra est un sujet ("elle se compare à ..."), donc qu'elle est une entité insécable. Si la caméra pensait qu'elle était une entité unique et insécable, elle aurait donc parfaitement raison.
Enfin j'ai envie de dire que ton image de la camera est juste, mais alors, la description scientifique du monde que nous fabriquons est comparable au film que se fait la caméra.
Et donc le fait que la conscience semble inexplicable dans le cadre de nos théories scientifiques serait comparable au fait que la camera ne retrouve pas sa propre existence dans ses films.
Et donc tout comme la camera pourrait croire qu'elle transcende ses films, et quelque part elle a raison, nous pouvons affirmer que notre existence transcende notre description scientifique d'une hypothétique réalité objective.
Si c'est le sens de ta métaphore sur la caméra, je la partage.
Cependant la conscience spécifiquement humaine est avant tout conscience de soi et conscience du monde, c'est à dire qu'elle correspond à la conjonction d'une conscience au sens élargit de cette article et d'une représentation de soi et du monde persistante dans le temps. Il n'est pas évident qu'une structure humaine dispose d'une telle représentation qui lui serait propre, et donc une structure humaine, même si elle peut être marquée par un "esprit" au sens développé dans cet article, est très certainement inconsciente dans le sens courant du terme.
Sur la question de la matière et de l'esprit, comme tout bon penseur, il faut avant tout définir ce que sont la matière et l'esprit.
J'ai peu de connaissance en la matière...
Aussi, me permets-je de poser une question, qui me semble, de loin, pouvoir faire avancer le débat :
Deux choses peuvent-elles être strictement identiques?
"Chaque substance individuelle de cet univers exprime dans sa notion l'univers dans lequel elle entre" écrit Leibniz (dans ses "Remarques sur la leçon d'Arnaud", le 13 mai 1686)." Indiscernabilité, Françoise Balibar.
Je me permets de vous reprendre : "Si elles sont identiques,[...]".
Elles... Sous-entendez-vous que "elles" existent en dehors de la conscience? La notion d'identique ne peut-elle exister que dans notre conscience?
Bien sûr, peut-on peut-être écrire qu'un existant (c'est un terme qui existe peut-être déjà en philosophie ou qui reste à définir) ne peut être qu'identique à lui même. Aussi l'Univers ne peut être qu'identique qu'à lui-même comme tout.
"Chaque substance individuelle de cet univers exprime dans sa notion l'univers dans lequel elle entre" écrit Leibniz.
Bien à vous,
Ca dépend de quoi vous parlez... C'était juste une remarque sur le concept d'identité.
"La notion d'identique ne peut-elle exister que dans notre conscience?"
La notion en elle-même peut-être, mais cette notion peut concerner des (être à propos d') objets hors de la conscience. La question est de savoir quel est le rapport entre représentation et réalité, c'est à dire que c'est la question du réalisme, et elle est très complexe.
"Aussi l'Univers ne peut être qu'identique qu'à lui-même comme tout. "
Est-ce que ça exclu qu'il soit composé de parties qui ne sont pas identiques au tout ?
Je n'ai à ce jour que très peu de références et de notions en philosophie. Aussi vous remercie-je de me diriger vers le concept d'identité.
“Des quantons de même nature sont donc identiques, au sens plein, leibnizien du terme, à savoir qu'ils ne forment qu'une seule et même entité au sein de laquelle il est impossible d'effectuer une distinction. Ce que Leibniz pensait être impossible, l'indiscernabilité, se trouve réalisé lorsqu'il ne s'agit plus de feuille, de goutte d'eau, mais d'atomes : les atomes de la physique quantique sont dénombrables mais indiscernables[…].”
Leibniz n'écrit-il pas lui-même ceci à propos du “principe des indiscernables” : “Nulle part ne se trouve une ressemblance parfaite.”
"Est-ce que ça exclu qu'il soit composé de parties qui ne sont pas identiques au tout?"
Bien sûr une pomme et une banane diffèrent, comme la pomme diffère d'une galaxie, d'un amas de galaxies et du tout. Cependant, si l'on s'imagine que la pomme et la banane sont posées dans une corbeille, il n'en existera pas d'identique, autre qu'elle même, dans l'univers. Ainsi suivant l'échelle du tout au rien, et peut-être que le rien n'existe pas dans l'univers, à chaque niveau, tel un ensemble en mathématiques, chaque ensemble ne peut qu'être identique qu'à lui-même, pense-je avec mes limitations d'esprit. Limitations qui peinent à être dépassés par les nouveaux postulats posés par la mécanique quantique, dont je ne connais pour ainsi dire presque rien. Cela n'exclue pas que l'Univers soit composé de parties qui ne sont pas identiques au tout. Mais pour autant, pour revenir aux phrases citées entre guillemets plus haut : Est-ce parce que deux choses sont indiscernables qu'elles sont identiques pour autant?
Bien que l'Univers soit composé de parties qui ne sont pas identiques au tout, chaque partie ne peut exister indépendamment. La pomme ne pourrait exister sans la banane. Il y a “connexion des choses” pour reprendre la conception leibnizienne. Il y a une "non-séparabilité" qui est une caractéristique du monde. Je reste prudent sur cette notion que je ne connais que trop peu cependant. Ne lit-on pas dans le texte écrit par Françoise Balibar au sujet de l'indiscernabilité dans le dictionnaire d'histoire et de philosophie des sciences aux éditions puf, ceci :
“Le formalisme de la mécanique quantique oblige en effet à conclure que deux objets ayant intéragi, mais séparés l'un de l'autre par une distance aussi grande que l'on veut, ne sont pas indépendants […].”
“La question est de savoir quel est le rapport entre représentation et réalité, c'est à dire que c'est la question du réalisme, et elle est très complexe.”
N'est-il pas vrai qu'une pierre existait avant que la conscience de et par conséquent sa représentation n'existe? Ou bien l'Univers n'existe-t-il que parce que l'on y pense? À ce sujet, je pense que l'art est un univers en soi, propre à chacun dans sa subjectivité, justement parce que l'on y pense et que selon la contrainte du moyen mis en oeuvre pour l'exprimer, se prend à exister. Mais en effet la question de la réalité de l'idée doit être complexe. Ainsi que la question de l'idée de la réalité.
Dans une certaine littérature (existentialisme...) on parle d'étant. Sinon vous pouvez simplement parler d'objet.
Le principe d'identité des indiscernables est un peu problématique. Dans le cas des électrons, soit on l'accepte et on en déduit que les électrons ne sont pas vraiment des individus (mais par exemple les états d'excitation d'un champ) soit on considère que les électrons sont un contre exemple à ce principe. Au final tout ça s'apparente un peu à une convention conceptuelle. On trouve d'autres concepts d'identité dans la littérature, comme le fait d'être dénombrable, de tomber sous un concept sortal.
"il n'en existera pas d'identique, autre qu'elle même, dans l'univers"
Même si l'univers est de taille infinie ? Qui sait ?
"La pomme ne pourrait exister sans la banane"
Je n'en suis pas certain. L'intrication quantique est un phénomène qu'on met en évidence uniquement aux petites échelles. Je doute que beaucoup de physiciens affirment qu'une banane et une pomme dans un panier sont intriquées et inséparables.
L'idée que rien ne soit séparable (un holisme universel) est une position qui pourrait se défendre, qu'on trouve peut être d'ailleurs en métaphysique antique indienne ou chinoise (?), mais elle demanderait à être argumentée.
"Ou bien l'Univers n'existe-t-il que parce que l'on y pense?"
C'est la position idéaliste qui n'est plus que rarement défendue aujourd'hui.
Deux parcelles d'espace où règnent un vide absolu, un vide parfait. Quelle est la définition du vide? L'absence de matière? La distinction entre le vide et le non-vide (absence de matière) est rendue délicate à partir de l'idée et de l'expérience faite que du vide peuvent naître des particules de matière qui elles sont constitutives de la matière. Il y a donc un continuum entre le vide et le non-vide.
Pour revenir à la question : qu'est-ce qui n'est pas une chose?
Peut-on répondre qu'une parcelle d'espace est une chose?
"En philosophie, ou mieux en ontologie, le mot substance désigne ce qu'il y a de permanent dans les choses qui changent et donc le fondement de tout accident."
"La chose est un terme abstrait qui pourrait désigner toute substance."
L'Univers est un existant. L'Humain aussi. Et l'électron ou le lepton aussi. Le vide est aussi un existant. Et l'espace dénué de vide aussi.
Une question vient alors : Une parcelle d'espace dénuée de vide peut-elle exister? Ou bien le vide et l'espace sont-ils intrinsèquement liés comme le sont le vide et la matière?
À noter aussi la question de ce qui est permanent. On peut concevoir l'espace dénué de vide comme un existant ou une chose. Mais qu'en est-il du temps? Est-ce une chose (il me faut lire votre article à ce sujet)? Car la définition d'une chose passant par une substance qui a trait au permanent se ramène intrinsèquement au temps.
À l'identique sont rattachées les notions de temps et d'espace. Deux parcelles de temps peuvent-elles être identiques? Qu'est-ce qu'une parcelle de temps? À ce sujet, je cite un extrait du dictionnaire d'histoire et de philosophie des sciences dirigé par Dominique Lecourt, et de l'article écrit par Françoise Balibar sur la notion d'énergie :
[...]Ce passage de Kant, outre qu'il indique bien à la recherche de quoi étaient les physiciens au début du XIXième s., laisse aussi entrevoir une idée à laquelle le théorème de Noerther donnera sa formulation mathématique, à savoir que l'énergie, en tant qu'elle est conservée, est indissociable du temps."
Merci de me diriger vers la notion d'étant qui prend sa place dans une certaine littérature, comme dans l'existentialisme. Étant, existant, chose, objet. Je pense que chaque auteur ou mouvement de philosophie porte une importance à ces mots et qu'il est donc important de bien les choisir dans un certain contexte.
Peut-on dire qu'un être vivant est une chose? Ou un objet? Je pense à ce sujet que la philosophe Elisabeth de Fontenay détaille avec rigueur ce sujet.
Un objet est forcément une chose, mais une chose n'est pas forcément un objet. Par exemple, la chaise est une chose mais une pierre n'est pas un objet.
Le mot objet désigne à mon sens une chose conçue par un art au sens général perpétué par l'Humain. En ce sens, il porte en lui une fonction, celle précisément pour laquelle les choses ont été assemblées, travaillées par l'art des humains.
Du charbon de bois consummé utilisé par les Humains préhistoriques pour exprimer (il me faut lire à ce sujet le livre de Georges Bataille intitulé La peinture préhistorique Lascaux ou la naissance de l'art) une idée transcendantale qui transcende leur existence est une chose qui peut devenir simplement, au sens matériel, un objet permettant d'exprimer une idée transcendantale. Moins “simple” est d'avoir l'idée de l'employer à des fins artistiques.
Même si l'Univers est infini, les deux corbeilles n'auront par exemple pas une distance égale à l'étoile Alpha du Centaure. En cela elles seront différentes. Pour la question de savoir si l'Univers est infini, j'ai trouvé ceci dans un livre de Steven Weinberg :
"Ici, "tout l'espace" peut signifier aussi bien l'espace d'un univers infini, que tout l'espace d'un univers fini, recourbé sur lui-même comme la surface d'une sphère."
À ce sujet, pourquoi la nuit est-elle sombre? Et pas remplie de lumière des astres qui seraient alors dans un nombre sans limite?
Pour la pomme et la banane : je m'explique. Bien sûr si la pomme tombe de la corbeille, cela ne va pas influencer directement la banane qui elle est restée dans la corbeille. Seulement, il y a "connexion des choses" pour reprendre la conception leibnizienne. Un existant ne peut pas ne pas exister. Car rien ne peut naître du néant pour reprendre grossièrement Voltaire. Et par conséquent un existant ne peut pas "aller" au néant. D'ailleurs rien peut-il exister dans l'Univers? Bref, en cela, un existant est "connecté" au tout. Et par conséquent indirectemment à chaque partie du tout. Ce que je veux dire pour m'exprimer plus clairement, c'est que si la pomme n'existait pas, alors la banane ne pourrait exister ainsi que tout. D'où cette "connexion des choses". Tout est là : rien ne peut naître du néant ni y "aller". Ainsi la pomme et tout existant sont connectés. Cela n'a probablement pas de lien avec l'intrication quantique mais je reste intéressé par cette idée que rien ne soit séparable. Pas en accord forcément, intéressé.
Ainsi donc rien n'est identique à lui-même si ce n'est dans l'ordre de son mouvement. Et ainsi (ici il y a un manque) des êtres humains ont émis l'hypothèse et validé (?) que l'espace lui-même est en expansion. Ce qui de l'ordre de la représentation primaire est difficilement envisageable. De l'expansion de l'existant espace. D'une "chose" (???) animant l'expansion de cet étant, dû-ce ma nature d'humain nécessairement chercher à comprendre de quelle nature relève cette "chose". Ainsi est-ce, comme rien ne peut aller au néant, et là les trous noirs interviennent, car toute forme d'existant (l'espace "est" (???) déformé ainsi que le temps qui est peut-être substantiellement lié à l'étendue ainsi que la lumière -------- potentiel--------- "aspiré", potentiel à l'image d'une "chose" qui fait que l'oiseau se sent attiré par un être humain en activité désintéressée.
Ce que vous dites est pour moi inintelligible. Je ne pense pas qu'une contribution à la philosophie (et non à la poésie) puisse se passer d'un minimum de clarté conceptuelle. Je ne pense pas non plus que les métaphores scientifiques aient une quelconque valeur de vérité qu'elles hériteraient, comme par magie, de l'assise empirique des sciences.
Bien à vous.
Je vais tenter de clarifier et de vous rendre intelligible mes idées (Post 06 Avril 2017, 13:18). Pour peu qu'elles puissent être intelligibles avec des mots.
Et qu'il me faut de la concentration pour mieux et davantage explorer et approfondir vos et votre article-s ainsi que les réponses des bloggers et vos réponses et cela est un fait heureux (dans une forme de recherche Internet, un fait forcé par « la nature des choses » ) que je puisse avoir trouvé votre page, exprimant votre volonté (et l'ouvrage La nature de la volonté rédigé par l'auteure Joëlle Proust peut être un ouvrage à lire) de partager vos positions, idées, dans de nombreux domaines liés à la philosophie.
Je fournis l'effort dans la limite de mes capacités intellectuelles, mentales, et matérielles, et (donc de mouvement), de temps. De mes contraintes dans ce qu'un homme de science et humaniste a écrit que « je ne crois pas en le principe ou concept de liberté en tant que je suis contraint par mes propres limites intellectuelles et mes limites matérielles », qui ne dépendent pas de moi. Contraint dirais-je par ma propre nature, éducation et (donc) civilisation dans laquelle mon être a évolué et évolue à cet instant présent (mais la question « l'instant présent existe-t-il ? » est de l'odre du concept de l'humain, ainsi pourrait cette question, dans une forme de nature de vie différente, dans ce qu'elle pourrait communiquer par un langage intelligible et nuancé de ses ressentis et représentations, se poser différemment. Par exemple inconsciemment ou non : « à quelle position du soleil sommes-nous ? » ou pour des êtres vivants dans les abysses « Quelle volonté de manger suis-je ? » même si cela n'est pas très intelligible.
Je tente de rendre plus intelligence mon post du 06 Avril 2017 à 13:18.
Pour bien à vous, cela pose la question du bien. Et cela peut rejoindre la conception de l'éthique du philosophe Emmanuel Lévinas en ce qu' «il hausse la morale à hauteur d'un absolu qui règle l'existence avec une rigueur implacable, et désigne la relation à autrui (la « relation inter-subjective »), comme une relation non symétrique où « je suis responsable d'autrui sans attendre la réciproque, dût-il m'en couter la vie. »... Et sa dimension spirituelle. Hélas, j'ai fait l'expérience qu'il coûte de faire sa propre révolution, dût-il en couter la vie, et que cette révolution puisse encore avoir lieu, différemment.
Honte à vous;-) dirais le bienheureux. Car, paragraphe 327, Le gai savoir : « Prendre au sérieux. - l'intellect est chez la plupart une machine pensante, morne et grinçante que l'on a du mal à mettre en marche : ils parlent de « prendre la chose au sérieux » quand ils veulent travailler avec cette machine et penser pour de bon – oh, qu'il leur doit être incommode de penser pour de bon ! L'aimable bête homme perd à chaque fois, semble-t-il, sa bonne humeur lorsqu'elle pense pour de bon : elle devient « sérieuse » ! Et « là, où l'on trouve rire et gaieté, la pensée ne vaut rien » : tel est le préjugé de cette bête sérieuse envers tout « gai savoir » - Fort bien, montrons que c'est un préjugé ! »
Cependant que cela me fasse plaisir sérieusement d'avoir votre réponse.
Permettez-moi de faire avancer la question sur le sujet suivant : l'espace peut-il exister sans le vide ? Et inversement.
Ou : le contenant (espace) peut-il exister sans le vide (contenu)? Et inversement.
À ce sujet : "Yves Le Bras a dit... le 30 juin 2015 à 22:42
Une question vient alors : Une parcelle d'espace dénuée de vide peut-elle exister? Ou bien le vide et l'espace sont-ils intrinsèquement liés comme le sont le vide et la matière?".
Permettez-moi de vous partager cette phrase issue de cet article : https://fr.wikipedia.org/wiki/Nihilisme
"Dans le bouddhisme, on considère généralement que l'on peut appréhender ainsi ce qui est appelé « réalité » en allant jusqu'à arriver à la conclusion qu'il n'y a rien qui constitue les choses. Le bouddhisme affirme l'existence interdépendante tout en niant son essence. D'où l'expression du Sūtra du Cœur :
« La forme est vide et le vide est forme. » "
Je pense que cela peut faire avancer la question.
Cordialement.