Les principes du communisme libéral (2/6)

2. L'illégalité de la vente

Nous choisissons délibérément dans notre raisonnement de nous restreindre à la sphère économique, et au sein de cette sphère à l'exercice de la liberté individuelle. Nous partons du principe que l'égalité des chances est assurée par ailleurs.

Dans cette restriction au monde économique, nous pouvons considérer que l'argent, parce qu'il est le vecteur universel de toute transaction, approxime correctement la liberté positive de chacun. Bien sûr en réalité les relations humaines ne sont pas réductibles à des relations commerciales, mais nous partirons du principe que c'est le rôle de l'état d'assurer par son action le rétablissement des injustices dues à cette approximation dans le domaine économique, et d'assurer le respect des principes de justice dans les autres domaines, y compris l'égalité des chances.

Partant de cette approximation, donc, d'après le principe d'une rémunération proportionnelle au service rendu à la communauté, et pour peu que nous adoptions la loi de l'offre et de la demande comme méthode naturelle d'évaluation de la rémunération, nous retrouvons grosso-modo les principes du capitalisme... à ceci près que le principe de propriété privé n'y apparait pas d'emblée.

Nous verrons plus tard en quoi le choix de l'offre et de la demande comme méthode d'évaluation d'une juste rémunération possède ses limites. Adoptons la pour l'instant, car elle a l'avantage d'être parfaitement compatible avec la liberté individuelle.

Nous pouvons aller encore plus loin dans notre raisonnement. Toujours dans l'optique de construire un modèle économique sur des principes de justice, nous pourrions consolider notre principe fondateur en affirmant que seul un travail, c'est à dire un service rendu aux autres ou à la communauté, doit donner lieu à une rémunération. Non seulement il est juste qu'un travail soit rémunéré, ce d'autant plus qu'il est jugé utile par d'autres, mais tout autre type de rémunération devrait être considéré comme injuste (du moins dans la limite de l'exercice de la liberté individuelle, c'est à dire dans la mesure où il ne s'agit pas d'une compensation par l'état d'une autre injustice).

Mais alors, avec cette version plus restrictive, non seulement la propriété privé n'est pas définie dans notre système, mais elle est même exclue, puisqu'avec elle, la spéculation constitue un moyen de s'enrichir sans pour autant fournir un travail ou rendre un service. Tout acte de vente correspond finalement à la rémunération de la possession. Or la possession n'est pas en elle-même un service rendu. Au contraire, la possession, en tant que jouissance d'un bien, correspond plutôt à une rémunération permanente qu'à un service rendu.

Partant du principe que l'enrichissement spéculatif est injuste, nous devons donc substituer au principe de propriété privée et aux actes d'achat/vente qui en découle un autre principe qui ne permette pas la spéculation.

C'est la décorrélation du marché de l'acquisition par l'achat qui est à l'origine de la spéculation. C'est parce qu'un bien n'est plus sur le marché que peut apparaitre une différence entre son prix d'acquisition et son nouveau prix de vente, différence susceptible de profiter à son propriétaire. C'est cet enrichissement que nous considérons injuste, car il ne résulte pas d'un travail ou d'un service rendu. Seule une corrélation plus stricte entre le prix payé et la jouissance réellement obtenue (donc un réajustement constant des prix) pourrait nous permettre de lever cet obstacle.

La solution naturelle consiste donc à remplacer la vente par la mise à disposition d'un bien, rémunérée comme telle, et donc à faire payer non pas l'acquisition mais la jouissance. Selon un tel principe la propriété n'est jamais transmise, et le bien ne sera donc jamais revendu à un tiers mais restitué à son fournisseur initial avant de changer de propriétaire (dans la mesure où il n'a pas été consommé). Une modification du cours du prix d'un produit ne se traduit plus par une plus-value ou une moins-value, mais par un simple réajustement de la rémunération que peut attendre le producteur du bien.

Dans une société où la propriété n'existe pas, tout est service, y compris la mise à disposition de biens. Nous nous trouvons dans un système de location universelle, caractérisé par l'illégalité de la vente (remplacée par la mise à disposition et la restitution).

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