Le vrai
Selon le pragmatisme, ce qui est vrai, c’est ce qui fonctionne. Il ne faut pas y voir une injonction à ne se focaliser que sur l’efficacité, mais une véritable définition du vrai qui vient en contre-pied des approches normalistes.
Naturellement, on voudrait commencer par définir le vrai, puis la croyance ou la certitude comme fonction du vrai. Cependant la croyance ou la certitude peuvent être définis sans l’aide de la notion de vrai de la manière suivante : croire en quelque chose, c’est pouvoir s’appuyer dessus pour agir. La croyance est le support de l’action.
Une croyance qui ne se traduirait pas dans l’action pourrait tout aussi bien ne pas exister, si bien qu’il est légitime de dire que la croyance ne s’exprime que comme appui de l’action. Ainsi on peut définir la personnalité de quelqu’un tantôt comme un ensemble de représentations qui lui sont propres et tantôt comme un ensemble de dispositions à agir (y compris par la parole), mais en réalité les deux se confondent, ils ne peuvent pas réellement être distingués.
Partant de là, il est possible de contourner le problème de l’absence de norme définitive du vrai (car après tout la vie pourrait n’être qu’un rêve) en définissant ce dernier non pas dans l’absolu mais à partir de nos croyances en action. Ma croyance est vraie dans la mesure où les actions qui s’appuient sur elles sont couronnées de succès, où elles ont le résultat attendu. Ma croyance en ressort renforcée. Si à l’inverse ces actions échouent, ma croyance est mise à mal. D’où la maxime du pragmatiste : le vrai, c’est ce qui fonctionne.
L’efficacité et la vérité
Bien sûr il faut bien comprendre qu’il s’agit ici d’action au sens large. Par exemple parler, essayer de convaincre quelqu’un, est aussi une action, ainsi que réfléchir, analyser, et, pourquoi pas simplement observer, porter son attention sur un objet. Tout ce qui relève de l’intention est action.
Le reproche d’une réduction du vrai à l’efficace, ou encore l'assimilation au behaviorisme ou au fonctionnalisme, se dissipent si l’on accepte d’étendre ainsi la notion d’action, dans une acception phénoménal du terme. Il s’agit bien d’un point de vue “à la première personne”, et la vie mentale fait partie de l’expérience active au même titre que l’interaction avec le monde.
Dans cette perspective, croire une idée en un moment donné, donc y penser, est déjà en quelque sorte une action : c’est une confrontation de l’idée à d’autres idées, qui peut éventuellement échouer. Or en ce sens, dire que l’action de croire “fonctionne”, c’est dire que ce qu’on croit nous semble vrai en regard de nos autres croyances. C'est même une tautologie : croire quelque chose qu'on sait faux est antinomique. Personne ne veut croire le faux. Dans le domaine des pensées, efficacité et vérité ne font qu’un, nous ne savons pas les distinguer. Cette coïncidence persistera pour peu que l'on conserve une vision globale des choses et que l'on ne perde pas de vue cette efficacité "interne".
La distinction entre efficacité et vérité, pris au sens courant, n'apparaît donc que quand on choisit de restreindre la finalité (ce qu’on entend par “ça fonctionne”) à une petite partie de l’expérience, à une finalité particulière, au lieu de la considérer globalement. L’efficacité, au sens courant, n’est qu’une vérité/efficacité locale, réduite à une seule finalité, tandis que la vérité au sens courant est une efficacité globale de nos représentations.
La vérité est une résistance
On reprochera à cette vision des choses de ne jamais garantir la vérité absolue. Après tout je peux m’illusionner. Je peux croire quelque chose de faux. Mais comment le saurais-je ?
L’illusion n’est qu’une croyance qui fonctionne dans un domaine limité, mais sitôt qu’on cherche à l’étendre à d’autres domaines, elle se dissipe, on la met à jour. Je crois qu'il y a un objet derrière ce miroir, mais si je passe mon bras, je constate qu'il n'y a rien. L'illusion ne résiste pas. C’est donc encore une fois une vérité limitée, ici limitée au champ visuel, mais la vérité comme idéal est universelle : est idéalement vraie l’idée qui ne sera jamais mise à mal. On peut donc dire que la vérité est une mesure de la résistance des représentations aux différents contextes.
Or pour tester cette résistance, la confrontation de nos idées entre elles n’est pas suffisante. Croire que mes clés sont dans ma poche parce que je me souviens les y avoir mises et le vérifier n’est pas du même ordre. Dans le premier cas, ma croyance est isolée, et dans l’isolement, il se peut qu’elle finisse par disparaître. Au bout d’un moment, je me met à douter : je n’ai pas vérifié depuis des lustres, sont elles bien toujours là ? Elles n’ont pas pu disparaître comme ça, mais suis-je toujours sûr de les avoir mises là ? Pour raviver ma croyance, je dois vérifier.
Certes, il peut exister des “bulles”, des rumeurs, des illusions persistantes qui s’auto-entretiennent. Mais de telles idées fonctionnent en vase clos. Tout comme les bulles financières, elles sont déconnectée de la réalité, leur résistance n’est pas vraiment testée : on se trompe sur leur véracité, et sans aucun doute, la bulle finira par éclater.
La vérité scientifique
C’est donc toujours dans la confrontation à de nouvelles expériences, non dans l’isolement, qu’une croyance vie. Ce faisant elle peut évoluer, se renforcer ou s’affaiblir. Mais rien n’est jamais acquis pour de bon, rien n’est statique. Pas même une vérité scientifique.
En science, la représentation prend la forme d’une théorie. Elle est formalisée, ce qui permet aux hommes de la partager sans distorsions. C'est un pas de plus vers l'universalisme. Les actions qu’elle induit sont appelées des expériences. Cependant le principe reste le même, et la science n’est finalement qu’une extension partagée de nos représentations individuelles.
Dire “je crois que telle théorie est vraie” c’est dire “je crois qu’en faisant telle expérience, on obtient tel résultat”. Il est probable que si une idée venait à rester dans les livres sans jamais ne plus être testée, on finirait (sans doute après plusieurs générations) à en douter. Est-ce bien vrai, la relativité du temps ? Peut-être ferait-on mieux de tester... Les lois changent peut-être avec le temps, qui sait ? La science aussi doit être enseignée et régulièrement expérimentée pour continuer à vivre.
Mais il ne faut pas oublier, en science comme sur le plan individuel, que les représentations vivent en réseau et se renforcent entre elles. C'est par ce phénomène de sédimentation des idées que l'accumulation des connaissances est possible.
La vie des idées
Nous aboutissons ainsi à une approche presque darwinienne de la vérité (qui est peut être à rapprocher de la mémétique, pour peu qu’on y ajoute leur processus de reproduction). Ce qui est vrai, c’est ce qui fonctionne, et ce qui fonctionne, c’est ce qui survit.
Les représentations sont soumises à la sélection naturelle des idées par confrontation à la réalité. Tout comme les êtres vivants, elles évoluent, se complexifient avec le temps, luttent entre elles ou disparaissent par isolement. Il existe de petites idées qui comme les fourmis s'adaptent partout, et d'autres trop grosses pour survivre, ou trop spécialisées pour s'adapter à un changement.
L'analogie est fructueuse mais il faut veiller à ne pas la pousser trop loin, car les relations entre idées ne sont pas les relations entre êtres vivants, pas plus que les domaines d'application de nos représentations ne sont comparable aux écosystèmes (par exemple, les idées ne se battent pas pour des ressources épuisables).
Surtout, il faut éviter d'en déduire que tout comme les écosystèmes permettent à une variété d'espèces différentes de co-exister, la vérité pourrait être multiple. Il semble bien que ce ne soit pas le cas, et que l'exclusivité y joue un rôle bien plus important.
Le vrai, le bien, le beau
On peut se demander l'origine de cette exclusivité du vrai. Pourquoi la vérité serait-elle unique ? Qu'est-ce qui fait que deux choses contradictoires ne peuvent pas être vraies en même temps, que de deux visions du même phénomène, une fois formalisées, l'une sera forcément meilleure que l'autre ou bien qu'on les jugera équivalentes ?
Puisqu'il semble que l'exclusivité soit une caractéristique du vrai, reformulons : pourquoi n'existerait-il pas d'autres critères de survie (en particulier le bien et le beau) et le cas échéant qu'est-ce qui distingue le vrai de ces autres critères ?
A priori on peut envisager une multiplicité de nos représentations suivant d'autres critères que le vrai, mais alors les idées ainsi sélectionnées se doivent d'être neutres par rapport au vrai. La différence entre le vrai, le bien et le beau tiendrait donc non pas au critère de survie, mais à la nature même des représentations. Les idées vraies sont des représentations de ce qui est, les idées bonnes de ce qu’il faut faire et les idées belles de ce qui apparaît.
Si l'on voulait "faire système", on pourrait dire que l'idée vraie, descriptive (et inductive), porte sur le passé, sur ce qui vient de l'extérieur, que l'idée bonne, prescriptive, porte sur le futur et ce qui vient de l'intérieur, enfin que l'idée belle, contemplative, porte sur le présent et sur l'interaction. De cette manière on comprend mieux l'exclusivité associée au vrai que nous évoquions : elle provient de l'unicité du monde et du fait que le passé n'est pas révocable.
Ce serait donc la portée temporelle d’une idée qui ferait qu’elle est concernée par le vrai, le beau ou le bien, mais d’un point de vue pragmatique, ces trois concepts relèveraient finalement de la même chose.
La physique des idées
Pour finir on remarquera que cette sélection à laquelle est assujettie notre pensée, l’élimination des idées fausses, moches, mauvaises, cette non réponse à une attente, est assez mystérieuse. De même la genèse même des représentations et leur nature.
Les représentations, les concepts, les croyances, se définissent nécessairement par contraste avec ce qu’ils ne sont pas. Il faut qu’il y ait polarisation pour qu’il puisse y avoir identification, renforcement ou affaiblissement. Les idées sont, on l'a vu, des actions en puissance, mais aussi des liens entre les choses, les sensations ou les autres idées. La genèse et le renforcement de ces liens se font apparemment par son activation et son affaiblissement par l'absence d'activation, ou encore par un phénomène de concurrence. Ce sont là des choses qu’on ne peut que constater, de l’ordre du phénomènes physique (et sans doute un phénomène neuronal).
Il est déroutant d'imaginer que notre construction de la vérité puisse être assujettie à des processus physiques ou neuronaux qu'on pourrait penser contingent, que la logique elle même, ce critère interne qui nous semble transcendantal, pourrait n'être qu'un principe physique, un jeu de réseau entre représentations habitant nos cerveaux. Mais ne nous y trompons pas : la physique et la neurologie, telle qu'on les conçoit, ne sont elles mêmes que des représentation...
Naturellement, on voudrait commencer par définir le vrai, puis la croyance ou la certitude comme fonction du vrai. Cependant la croyance ou la certitude peuvent être définis sans l’aide de la notion de vrai de la manière suivante : croire en quelque chose, c’est pouvoir s’appuyer dessus pour agir. La croyance est le support de l’action.
Une croyance qui ne se traduirait pas dans l’action pourrait tout aussi bien ne pas exister, si bien qu’il est légitime de dire que la croyance ne s’exprime que comme appui de l’action. Ainsi on peut définir la personnalité de quelqu’un tantôt comme un ensemble de représentations qui lui sont propres et tantôt comme un ensemble de dispositions à agir (y compris par la parole), mais en réalité les deux se confondent, ils ne peuvent pas réellement être distingués.
Partant de là, il est possible de contourner le problème de l’absence de norme définitive du vrai (car après tout la vie pourrait n’être qu’un rêve) en définissant ce dernier non pas dans l’absolu mais à partir de nos croyances en action. Ma croyance est vraie dans la mesure où les actions qui s’appuient sur elles sont couronnées de succès, où elles ont le résultat attendu. Ma croyance en ressort renforcée. Si à l’inverse ces actions échouent, ma croyance est mise à mal. D’où la maxime du pragmatiste : le vrai, c’est ce qui fonctionne.
L’efficacité et la vérité
Bien sûr il faut bien comprendre qu’il s’agit ici d’action au sens large. Par exemple parler, essayer de convaincre quelqu’un, est aussi une action, ainsi que réfléchir, analyser, et, pourquoi pas simplement observer, porter son attention sur un objet. Tout ce qui relève de l’intention est action.
Le reproche d’une réduction du vrai à l’efficace, ou encore l'assimilation au behaviorisme ou au fonctionnalisme, se dissipent si l’on accepte d’étendre ainsi la notion d’action, dans une acception phénoménal du terme. Il s’agit bien d’un point de vue “à la première personne”, et la vie mentale fait partie de l’expérience active au même titre que l’interaction avec le monde.
Dans cette perspective, croire une idée en un moment donné, donc y penser, est déjà en quelque sorte une action : c’est une confrontation de l’idée à d’autres idées, qui peut éventuellement échouer. Or en ce sens, dire que l’action de croire “fonctionne”, c’est dire que ce qu’on croit nous semble vrai en regard de nos autres croyances. C'est même une tautologie : croire quelque chose qu'on sait faux est antinomique. Personne ne veut croire le faux. Dans le domaine des pensées, efficacité et vérité ne font qu’un, nous ne savons pas les distinguer. Cette coïncidence persistera pour peu que l'on conserve une vision globale des choses et que l'on ne perde pas de vue cette efficacité "interne".
La distinction entre efficacité et vérité, pris au sens courant, n'apparaît donc que quand on choisit de restreindre la finalité (ce qu’on entend par “ça fonctionne”) à une petite partie de l’expérience, à une finalité particulière, au lieu de la considérer globalement. L’efficacité, au sens courant, n’est qu’une vérité/efficacité locale, réduite à une seule finalité, tandis que la vérité au sens courant est une efficacité globale de nos représentations.
La vérité est une résistance
On reprochera à cette vision des choses de ne jamais garantir la vérité absolue. Après tout je peux m’illusionner. Je peux croire quelque chose de faux. Mais comment le saurais-je ?
L’illusion n’est qu’une croyance qui fonctionne dans un domaine limité, mais sitôt qu’on cherche à l’étendre à d’autres domaines, elle se dissipe, on la met à jour. Je crois qu'il y a un objet derrière ce miroir, mais si je passe mon bras, je constate qu'il n'y a rien. L'illusion ne résiste pas. C’est donc encore une fois une vérité limitée, ici limitée au champ visuel, mais la vérité comme idéal est universelle : est idéalement vraie l’idée qui ne sera jamais mise à mal. On peut donc dire que la vérité est une mesure de la résistance des représentations aux différents contextes.
Or pour tester cette résistance, la confrontation de nos idées entre elles n’est pas suffisante. Croire que mes clés sont dans ma poche parce que je me souviens les y avoir mises et le vérifier n’est pas du même ordre. Dans le premier cas, ma croyance est isolée, et dans l’isolement, il se peut qu’elle finisse par disparaître. Au bout d’un moment, je me met à douter : je n’ai pas vérifié depuis des lustres, sont elles bien toujours là ? Elles n’ont pas pu disparaître comme ça, mais suis-je toujours sûr de les avoir mises là ? Pour raviver ma croyance, je dois vérifier.
Certes, il peut exister des “bulles”, des rumeurs, des illusions persistantes qui s’auto-entretiennent. Mais de telles idées fonctionnent en vase clos. Tout comme les bulles financières, elles sont déconnectée de la réalité, leur résistance n’est pas vraiment testée : on se trompe sur leur véracité, et sans aucun doute, la bulle finira par éclater.
La vérité scientifique
C’est donc toujours dans la confrontation à de nouvelles expériences, non dans l’isolement, qu’une croyance vie. Ce faisant elle peut évoluer, se renforcer ou s’affaiblir. Mais rien n’est jamais acquis pour de bon, rien n’est statique. Pas même une vérité scientifique.
En science, la représentation prend la forme d’une théorie. Elle est formalisée, ce qui permet aux hommes de la partager sans distorsions. C'est un pas de plus vers l'universalisme. Les actions qu’elle induit sont appelées des expériences. Cependant le principe reste le même, et la science n’est finalement qu’une extension partagée de nos représentations individuelles.
Dire “je crois que telle théorie est vraie” c’est dire “je crois qu’en faisant telle expérience, on obtient tel résultat”. Il est probable que si une idée venait à rester dans les livres sans jamais ne plus être testée, on finirait (sans doute après plusieurs générations) à en douter. Est-ce bien vrai, la relativité du temps ? Peut-être ferait-on mieux de tester... Les lois changent peut-être avec le temps, qui sait ? La science aussi doit être enseignée et régulièrement expérimentée pour continuer à vivre.
Mais il ne faut pas oublier, en science comme sur le plan individuel, que les représentations vivent en réseau et se renforcent entre elles. C'est par ce phénomène de sédimentation des idées que l'accumulation des connaissances est possible.
La vie des idées
Nous aboutissons ainsi à une approche presque darwinienne de la vérité (qui est peut être à rapprocher de la mémétique, pour peu qu’on y ajoute leur processus de reproduction). Ce qui est vrai, c’est ce qui fonctionne, et ce qui fonctionne, c’est ce qui survit.
Les représentations sont soumises à la sélection naturelle des idées par confrontation à la réalité. Tout comme les êtres vivants, elles évoluent, se complexifient avec le temps, luttent entre elles ou disparaissent par isolement. Il existe de petites idées qui comme les fourmis s'adaptent partout, et d'autres trop grosses pour survivre, ou trop spécialisées pour s'adapter à un changement.
L'analogie est fructueuse mais il faut veiller à ne pas la pousser trop loin, car les relations entre idées ne sont pas les relations entre êtres vivants, pas plus que les domaines d'application de nos représentations ne sont comparable aux écosystèmes (par exemple, les idées ne se battent pas pour des ressources épuisables).
Surtout, il faut éviter d'en déduire que tout comme les écosystèmes permettent à une variété d'espèces différentes de co-exister, la vérité pourrait être multiple. Il semble bien que ce ne soit pas le cas, et que l'exclusivité y joue un rôle bien plus important.
Le vrai, le bien, le beau
On peut se demander l'origine de cette exclusivité du vrai. Pourquoi la vérité serait-elle unique ? Qu'est-ce qui fait que deux choses contradictoires ne peuvent pas être vraies en même temps, que de deux visions du même phénomène, une fois formalisées, l'une sera forcément meilleure que l'autre ou bien qu'on les jugera équivalentes ?
Puisqu'il semble que l'exclusivité soit une caractéristique du vrai, reformulons : pourquoi n'existerait-il pas d'autres critères de survie (en particulier le bien et le beau) et le cas échéant qu'est-ce qui distingue le vrai de ces autres critères ?
A priori on peut envisager une multiplicité de nos représentations suivant d'autres critères que le vrai, mais alors les idées ainsi sélectionnées se doivent d'être neutres par rapport au vrai. La différence entre le vrai, le bien et le beau tiendrait donc non pas au critère de survie, mais à la nature même des représentations. Les idées vraies sont des représentations de ce qui est, les idées bonnes de ce qu’il faut faire et les idées belles de ce qui apparaît.
Si l'on voulait "faire système", on pourrait dire que l'idée vraie, descriptive (et inductive), porte sur le passé, sur ce qui vient de l'extérieur, que l'idée bonne, prescriptive, porte sur le futur et ce qui vient de l'intérieur, enfin que l'idée belle, contemplative, porte sur le présent et sur l'interaction. De cette manière on comprend mieux l'exclusivité associée au vrai que nous évoquions : elle provient de l'unicité du monde et du fait que le passé n'est pas révocable.
Ce serait donc la portée temporelle d’une idée qui ferait qu’elle est concernée par le vrai, le beau ou le bien, mais d’un point de vue pragmatique, ces trois concepts relèveraient finalement de la même chose.
La physique des idées
Pour finir on remarquera que cette sélection à laquelle est assujettie notre pensée, l’élimination des idées fausses, moches, mauvaises, cette non réponse à une attente, est assez mystérieuse. De même la genèse même des représentations et leur nature.
Les représentations, les concepts, les croyances, se définissent nécessairement par contraste avec ce qu’ils ne sont pas. Il faut qu’il y ait polarisation pour qu’il puisse y avoir identification, renforcement ou affaiblissement. Les idées sont, on l'a vu, des actions en puissance, mais aussi des liens entre les choses, les sensations ou les autres idées. La genèse et le renforcement de ces liens se font apparemment par son activation et son affaiblissement par l'absence d'activation, ou encore par un phénomène de concurrence. Ce sont là des choses qu’on ne peut que constater, de l’ordre du phénomènes physique (et sans doute un phénomène neuronal).
Il est déroutant d'imaginer que notre construction de la vérité puisse être assujettie à des processus physiques ou neuronaux qu'on pourrait penser contingent, que la logique elle même, ce critère interne qui nous semble transcendantal, pourrait n'être qu'un principe physique, un jeu de réseau entre représentations habitant nos cerveaux. Mais ne nous y trompons pas : la physique et la neurologie, telle qu'on les conçoit, ne sont elles mêmes que des représentation...
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