Les stars, ambassadeurs de la valeur travail
"Comment avez-vous fait pour en arriver là ? A quoi devez-vous votre succès ?"
"C'est avant tout énormément de travail..."
"Que souhaiteriez-vous dire à quelqu'un qui voudrait se lancer aujourd'hui ?"
"Le travail ! La clé, c'est le travail."
Les stars seraient-ils, malgré eux, les ambassadeurs du sarkozisme ?
Bien sûr on imagine mal une "star" tenir le discours inverse... "Un énorme coup de bol, avant tout. C'est le hasard." "Le secret, c'est de faire sa pute, voilà tout. Il faut draguer les bonnes personnes et tirer dans les pattes des autres." Non c'est impensable. Finalement nos "stars" ne font preuve que d'un minimum de reconnaissance envers le système qui les a propulsé... Et ce faisant elles nous y propulsent aussi, nous qui pétris d'admiration, redoublons d'effort, de travail, pour un jour, peut-être, leur ressembler et réussir à "être quelqu'un".
Car c'est bien notre système, cette abstraction qui régule nos sociétés, qui fait de la valeur travail une valeur centrale. André Gorz a bien analysé la façon dont l'industrialisation a modifié la façon dont on considère le travail : au départ effort nécessaire pour assurer sa subsistance et pouvoir s'occuper le temps restant de l'essentiel, il est devenu une fin, lui même l'essentiel, à mesure que l'homme devient une "fonction" au sein d'un système régi par la rationalité économique. La rationalité économique n'a pas besoin de but, elle est elle même le but.
Avant l'air industrielle, certains slogans d'aujourd'hui n'auraient eu guère de sens : travailler plus pour gagner plus ? Certainement pas. Quand on travaille pour soi, travailler suffisamment mais le moins possible pour pouvoir faire autre chose est la seule logique qui vaille. Mais cette logique ne satisfait pas à la rationalité économique, quand on travaille pour quelqu'un d'autre sur un marché : si tu as le temps de faire autre chose, c'est que tu es trop bien payé. Ainsi le progrès technique, l'automatisation, ne libèrent pas le temps de travail, ils font d'une part baisser les prix pour vendre plus et ainsi augmenter l'activité, et d'autre part ils permettent de dégager des bénéfices qui seront réinvestis, serviront à faire travailler d'autres gens, pour dégager encore du bénéfice et ainsi de suite. Ainsi s'étend la rationalité économique, jusqu'à envahir le moindre interstice, y compris le temps libre : le travail n'a plus pour contrepartie la "vraie vie" mais la simple compensation de l'effort par la consommation, qui elle même nourrit la machine.
Voilà résumé le portrait furieusement actuel de notre monde que dressait André Gorz en 1988, dans "métamorphose du travail, critique de la raison économique". Il suffit d'un peu de recul par rapport aux problématiques purement économiques, d'un brin de réflexion, pour comprendre que le travail n'est pas une fin en soi. Et pourtant malgré eux, sans doute par fierté, pour feindre de ne pas comprendre qu'ils ne sont que les épouvantails du consumérisme, nos "stars" colportent la valeur travail et font de nous de parfait petits soldats
"C'est avant tout énormément de travail..."
"Que souhaiteriez-vous dire à quelqu'un qui voudrait se lancer aujourd'hui ?"
"Le travail ! La clé, c'est le travail."
Les stars seraient-ils, malgré eux, les ambassadeurs du sarkozisme ?
Bien sûr on imagine mal une "star" tenir le discours inverse... "Un énorme coup de bol, avant tout. C'est le hasard." "Le secret, c'est de faire sa pute, voilà tout. Il faut draguer les bonnes personnes et tirer dans les pattes des autres." Non c'est impensable. Finalement nos "stars" ne font preuve que d'un minimum de reconnaissance envers le système qui les a propulsé... Et ce faisant elles nous y propulsent aussi, nous qui pétris d'admiration, redoublons d'effort, de travail, pour un jour, peut-être, leur ressembler et réussir à "être quelqu'un".
Car c'est bien notre système, cette abstraction qui régule nos sociétés, qui fait de la valeur travail une valeur centrale. André Gorz a bien analysé la façon dont l'industrialisation a modifié la façon dont on considère le travail : au départ effort nécessaire pour assurer sa subsistance et pouvoir s'occuper le temps restant de l'essentiel, il est devenu une fin, lui même l'essentiel, à mesure que l'homme devient une "fonction" au sein d'un système régi par la rationalité économique. La rationalité économique n'a pas besoin de but, elle est elle même le but.
Avant l'air industrielle, certains slogans d'aujourd'hui n'auraient eu guère de sens : travailler plus pour gagner plus ? Certainement pas. Quand on travaille pour soi, travailler suffisamment mais le moins possible pour pouvoir faire autre chose est la seule logique qui vaille. Mais cette logique ne satisfait pas à la rationalité économique, quand on travaille pour quelqu'un d'autre sur un marché : si tu as le temps de faire autre chose, c'est que tu es trop bien payé. Ainsi le progrès technique, l'automatisation, ne libèrent pas le temps de travail, ils font d'une part baisser les prix pour vendre plus et ainsi augmenter l'activité, et d'autre part ils permettent de dégager des bénéfices qui seront réinvestis, serviront à faire travailler d'autres gens, pour dégager encore du bénéfice et ainsi de suite. Ainsi s'étend la rationalité économique, jusqu'à envahir le moindre interstice, y compris le temps libre : le travail n'a plus pour contrepartie la "vraie vie" mais la simple compensation de l'effort par la consommation, qui elle même nourrit la machine.
Voilà résumé le portrait furieusement actuel de notre monde que dressait André Gorz en 1988, dans "métamorphose du travail, critique de la raison économique". Il suffit d'un peu de recul par rapport aux problématiques purement économiques, d'un brin de réflexion, pour comprendre que le travail n'est pas une fin en soi. Et pourtant malgré eux, sans doute par fierté, pour feindre de ne pas comprendre qu'ils ne sont que les épouvantails du consumérisme, nos "stars" colportent la valeur travail et font de nous de parfait petits soldats
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