Extrême droite et islamisme, même combat

Nous vivons une époque tendue, traversée de contradictions à résoudre. Traversée de folie, avec des mouvements qu'apparemment tout oppose : le terrorisme islamiste et l'extrême droite européenne, qu'on verrait hâtivement comme les pires ennemis l'un de l'autre. Et cet état de fait est source de dilemmes moraux pour les pacifistes de tous bords.

A ma droite, certain-e-s s'interrogent sur la bonne façon de dénoncer l'islamisme radical sans se voir accusé-e-s d'entretenir des idées xénophobes, c'est-à-dire de faire acte de complaisance envers l'extrême droite européenne. A ma gauche, d'autres se demandent comment assoir la lutte anti-raciste, l'oppression diffuse envers les musulmans d'occident, sans prétendre soutenir le terrorisme. Comme si deux démons voulaient nous imposer un choix impossible : soit être avec l'un, soit avec l'autre.

Et la seule réponse acceptable, de tous bords, semble être la nuance : pas d'amalgames ! L'on n'est pas d'extrême droite si l'on sait distinguer le musulman du terroriste. L'on n'est pas islamiste si l'on sait distinguer l'occidental du fasciste. Et encore mieux si l'on sait distinguer les individus des structures sociales qui les produisent.

Mais les nuances sont peu vendeuses et beaucoup s'engouffrent dans les brèches, accusant les uns et les autres de complaisance, cristallisant deux camps, et donnant finalement du grain à moudre aux deux démons.

Pourtant en la matière, il n'est pas besoin d'être nuancé outre mesure, car il existe bien deux camps : d'un côté ceux qui se revendiquent d'une idéologie d'extrême droite, et les islamistes y ont toute légitimité, et de l'autre ceux qui n'en veulent pas. Il suffit donc de lutter contre le fascisme au sens large, quelle que soit sa couleur, et sans compromis.

Ce qui pourrait venir obscurcir cette reconfiguration est la notion d'asymétrie. L'asymétrie des luttes, ou l'idée que les fascistes occidentaux seraient plus condamnables parce qu'en position de force dans le monde, qu'on se devrait d'abord de soutenir le plus faible, ou bien l'asymétrie des moyens, ou l'idée que les islamistes seraient plus condamnables parce que leurs actions seraient plus meurtrières ou moralement plus choquantes.

Très bien, embrassons ces deux asymétries et mettons-les dos à dos : les uns utilisent des moyens à la mesure de leur position d'infériorité, et une asymétrie compensant l'autre, les deux sont aussi bien condamnables, ni plus, ni moins, et surtout, relèvent de la même idéologie d'extrême droite : c'est cette dernière, qui unie malgré eux ces deux camps, le véritable ennemi.

Commentaires

Hubert Houdoy a dit…
Extrême-droite et islamisme ont le même refus de la nuance, la même fascination pour une identité statique, le même besoin de voir le monde comme une totalité, strictement déterminée. Une vision simpliste, rigoriste, traditionaliste de la science (scientisme) a pu répandre des idées qui semblent justifier ces aspirations et ces comportements totalitaires. Symétriquement, la démagogie politique a pu justifier toutes les violences des individus quand ils disent se révolter contre une société qui soit-disant les aurait produits. Si la société produit les individus, ce sont aussi les individus qui produisent les sociétés. Il y a donc deux déterminismes fatalistes qui favorisent ces idées totalitaires. C'est pourquoi la seule voie de sortie réside dans la nuance et la responsabilité. Tout individu est responsable de ce qu'il pense, de ce qu'il fait et de ce qu'il devient.
Quentin Ruyant a dit…
Merci pour ce commentaire. Le rapport entre scientisme et totalitarisme est moins clair qu'il n'y paraît (par exemple les empiristes logiques défendaient valeurs progressistes, et les régimes totalitaires ou les conservateurs mettent leurs valeurs, figées sur une communauté, au dessus des résultats de la science, ce que ne fait pas un scientiste).
Hubert Houdoy a dit…
Comme dans une autre de mes remarques, je veux surtout dire que les problèmes dramatiques d'aujourd'hui ont été préparés, depuis très longtemps, par beaucoup de dogmatisme et par un grand manque d'humilité, consistant à affirmer comme certain ce qui est loin de l'être.
Je pense, par exemple, aux économistes qui parlent d'un monde qui n'existe pas, sauf dans leurs modèles d'équations simultanées, et qui en tirent des préceptes pour la vie sociale et politique.
Je me considère comme un progressiste et non pas comme un conservateur, mais je ne pardonne pas plus une affirmation rapide à un progressiste qu'à un conservateur. Tout mouvement de pensée est sur une mauvaise pente quand il transforme une globalité complexe en totalité. C'est ce que je reproche à tout militantisme.
Merci pour vos billets, très clairs et précis.
Je commence la lecture de votre thèse.
Quentin Ruyant a dit…
Je pense qu'on est assez d'accord. Bonne lecture !

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