Lordon et le rôle du concept en sciences sociales

Ma spécialité n'est pas le "champ social" mais permettez-moi tout de même un rapide commentaire critique sur cet article de Lordon paru en 2013 dans les cahiers philosophiques, qui évoque au passage les "sciences dures" et leur usage des mathématiques, des sujets qui me sont plus familiers. Si je trouve le rapprochement entre philosophie et sciences sociales que Lordon appelle de ses voeux dans cet article tout à fait louable, certains aspects me gênent néanmoins. Ils ont trait à la fois au style et au contenu de l'article.

Commençons par un bref exposé de ma compréhension du texte (je vous renvoie à l'article lui même pour une exposition plus fidèle des idées l'auteur).

L'article

Lordon fait état dans cet article d'une particularité des sciences sociales qui est la suivante : leur objet d'étude (la société) comme la langue qu'elles emploient sont perçus par le profane comme accessibles au commun des mortels sans besoin donc d'être un spécialiste pour en saisir les enjeux. Dès lors peut naître une certaine suspicion à l'égard de l'expertise dont se réclame le théoricien des sciences sociales. On verra dans son "jargon" un moyen de masquer la vacuité de son propos. On l'accusera de vouloir conserver le monopole d'un savoir trivial délibérément obscurci. Or il n'en est pas ainsi des sciences "dures", caractérisées par l'usage des mathématiques en lieu du langage naturel : cet usage est perçu non comme un outil d'exclusion du profane mais plutôt comme l'adoption d'un langage difficile peut-être, mais qu'il est nécessaire d'apprendre pour parler de l'objet dont ces sciences s'occupent. C'est à tort en un sens, car les sciences dures n'échappent pas aux affects qui motivent le théoricien prompt à se distinguer de la masse des ignorants autant sinon plus, nous dit Lordon, qu'il est mû par la curiosité envers la nature. Les mathématiques sont bien une barrière gardienne du savoir. Mais c'est à raison car toute science a besoin de concepts, d'un langage propre, elle ne peut se contenter de l'empirie. Et finalement (même si Lordon cette fois ne le dit pas) on pourrait en conclure que cette démarcation "élitoire" est nécessaire et que le profane sait reconnaître, dans le cas des sciences dures, la légitimité de ce langage, de cette barrière à franchir.

Les sciences sociales elles aussi ont besoin de concepts, d'un langage propre, pour s'ériger en science et éviter la charge de l'imposture. Prompts à s'émanciper de la philosophie pour acquérir justement le statut de véritable science, et peut être pour d'autres raisons comme l'internationalisation de la discipline, elles en sont venues à trop s'occuper de l'empirie et à négliger les concepts, ou l'importance d'avoir un langage propre. Emprunter le langage mathématique des sciences dures comme le fait l'économie orthodoxe n'est cependant pas une voie acceptable selon lui car les mathématiques ne sont pas le bon langage pour parler du monde social. Les sciences sociales ont donc raison d'investir les espaces frontaliers qu'elles partagent avec la philosophie, pourvoyeuse de concepts par excellence, non pour rappeler comment elles se démarquent de cette dernière comme il était d'usage jusqu'alors, ni pour occuper ces espaces au détriment de l'autre, mais en vue d'une collaboration fructueuse qui leur permettrait de se doter des concepts adéquats à leur objet, le monde social. Une aubaine donc que la philosophie contemporaine amorce dans un contexte de mondialisation un regain d'intérêt envers le champ social.

Voilà en quelques paragraphes le contenu d'un long texte que les circonvolutions stylistiques rendent parfois un peu indigeste (j'avoue être vite agacé par le style de Lordon). Je l'ai qualifié sans doute injustement de "soupe" (mais de bonne soupe) sur twitter. Mettez ça sur le compte de l'agacement. Je voulais entendre par là que le plat manquait légèrement de consistance. Mais à la relecture je me dis qu'il n'est après tout pas si imbitable ni dénué d'intérêt, malgré l'impression qu'une première lecture pourtant attentive m'avait laissé. Pour autant quelques désaccords de fond persistent, que je vais exposer ici.

Style et ressentiment

D'abord et à propos, puisque l'auteur évoque furtivement en fin d'article la question du style, au moment de défendre que les sciences sociales doivent s'emparer de concepts et les manier avec le style littéraire qui convient au dévoilement des plis et replis que recouvrent ces concepts, quelques remarques sur le style s'imposent. Notamment du fait que l'utilisation d'un style d'écriture particulier, généralement convolué (auquel je m'essaie ici un peu par jeu), me semble être une des causes du "ressentiment linguistique" qu'éprouve le profane quand il met en doute le légitimité du théoricien.

Je ne suis pas personnellement un maniaque de la limpidité façon sujet-verbe-complément : je n'ai rien contre le style quand il sait rendre une lecture agréable, ou quand il parle à l'intelligence littéraire du lecteur (et je n'ai d'ailleurs pas la prétention de rivaliser avec Lordon en matière d'élégance dans la formule). Mais se voir forcé à une gymnastique mentale pour saisir la moindre idée, remontant parfois trois lignes pour retrouver le référent d'une subordonnée et s'assurer ainsi d'éviter le contresens, n'est pas ce que j'appelle une condition de lecture agréable. Or ce n'est pas seulement le "jargon" mais aussi ce genre de gymnastique imposées par certains auteurs (en philosophie comme en sciences sociales, ou en psychanalyse) qui, quand on manque de la souplesse nécessaire, peut provoquer le ressentiment. Et même quand on est gymnaste aguerri la question se pose : les idées avancées sont-elles si complexes qu'elles méritent de telles tournures alambiquées ? On soupçonne alors volontiers que l'affectation du style masque la vacuité du propos ou la faiblesse argumentative. On ne lui trouvera d'autre raison possible que celle de susciter une espèce de connivence suffisante, entre personnes de bonne éducation, chez qui est capable de suivre les acrobaties de l'auteur.

Qu'en est-il dans ce texte de Lordon ? Comparé à d'autres textes de l'auteur, le jargon n'y est peut-être pas excessif, ni les circonvolutions linguistiques, je vous laisse en juger. Il y a bien ici ou là de l'argument à se mettre sous la dent. Mais il s'agit souvent de se contenter de constats dont on ne sait s'ils sont fondés : les physiciens sont-ils vraiment motivés par une forme d'élitisme plutôt que par une authentique recherche du vrai ? Si l'on se fie au nombre d'auteurs moyen des articles publiés en physique, parfois des centaines parmi lesquels chacun se retrouve noyé au milieu de ses homonymes, ce serait une bêtise de la part d'un physicien de rechercher la moindre reconnaissance pour un travail original. Enfin ce sentiment d'appartenance à une élite existe peut-être mais on serait en droit (s'il s'agit d'une proposition à inscrire dans le champ scientifique de la sociologie) de demander un peu plus que des impressions, aussi élégamment formulées soient-elles.

De même on peut regretter que certains constats ou certaines réflexions, concernant notamment la légitimité de l'autorité des sciences, le rôle de l'empirie, ou celui du formalisme, ne soient pas appuyés par une littérature philosophique (en particulier épistémologique). Ce n'est certes pas le champ de recherche de l'auteur. Reste qu'on peut craindre par moment que son aisance rhétorique, qu'il déploie si généreusement, lui serve surtout à nous faire avaler la soupe...

La clôture disciplinaire

Une prose qui obscurcit à dessein et qui masque la vacuité. C'est donc le genre de soupçon (justifié ou non, là n'est pas la question nous dit-il) que l'auteur prête à ceux qui ne comprennent pas que la sociologie a un objet propre, qui se distingue du sens commun. Et le texte vise précisément, m'objectera-t-on, à justifier cette "clôture" de la discipline : la science n'est pas la démocratie, elle a ses propres concepts, c'est pourquoi elle se doit d'être opaque et, en une certaine mesure, élitiste. C'est en tout cas une lecture possible du texte.

C'est là que la forme rejoint le fond. Et c'est une erreur je pense. Non d'affirmer que la clôture d'une discipline scientifique existe nécessairement, que c'en est une condition d'existence, mais plutôt de chercher à produire cette clôture de manière délibérée comme si elle constituait une fin en soi. Elle est peut être (elle est apparemment) délibérée chez certains auteurs, mais elle ne devrait jamais l'être : ce devrait toujours être un effet secondaire contre lequel il faut lutter dans la mesure du possible, pour cette seule raison qu'elle est effet secondaire plutôt qu'effet recherché. C'est une chose de constater les affects des théoriciens, mais en faire une prescription en est une autre, et puisque nous sommes malgré tout rationnels, rien n'empêche de défendre, contre ces affects, une éthique de la recherche orientée vers un but noble : découvrir le vrai. Et rien n'empêche de mettre en pratique cette éthique en faisant de la clarté et de l'accessibilité du savoir une vertu à composer avec les autres (comme la précision et la rigueur), et de reprocher à d'autres de ne pas l'appliquer.

Nombreux théoriciens des sciences "dures" s'acharnent à faire disparaître par la vulgarisation cette clôture disciplinaire. On pourra n'y voir qu'une marque de plus de leur condescendance, puisqu'on sait bien de quel côté de la clôture ils se situent, mais c'est encore je pense leur faire un procès d'intention. Le théoricien vise en premier lieu la clarté pour lui comme pour les autres (ou le devrait), car la clarté conceptuelle est gage de succès dans son entreprise, et il n'est de meilleur moyen de l'atteindre que de tenter de transmettre son savoir au profane. Le philosophe aussi vise en général la clarté (malgré des exceptions notoires). Les textes de Descartes ou de Spinoza ne sont pas obscures.

C'est donc le projet même de Lordon qui me semble suspect : si les concepts dont il appelle les sciences sociales à se doter visent à fabriquer un savoir qui dépasse la synthèse empirique, j'applaudis. Mais s'ils ont pour seule et unique fin de créer une clôture disciplinaire pour assurer la légitimité de la discipline auprès de l'homme de la rue, je suis prêt à crier à l'imposture.

Des mathématiques comme langage

Enfin et surtout je ne pense pas, contrairement à Lordon, que les mathématiques ou la logique formelle soient un langage disciplinaire parmi d'autres : on peut voir la logique formelle en particulier, qui fonde les mathématiques, comme une systématisation du langage en général, un outil à disposition du locuteur, qui a justement pour objet de lui procurer clarté et rigueur. La systématisation vise à dissoudre la confusion. Celle par exemple qui peut naître à l'occasion de tournures intriquées dans le langage naturel, ce dernier étant foncièrement inadapté, de par sa souplesse, à l'expression non ambiguë des structures complexes (ce qui motiva Frege à fonder la logique formelle). Ou encore celle (la confusion) qui peut naître d'un excès de style.

On peut en fait je pense faire des maths avec les concepts et le vocabulaire que l'on veut, les mathématiques concernant la structure, non le contenu. Au mieux elles rendent le contenu (c'est à dire l'articulation des concepts) plus explicite, et peut-être parfois l'explicitent de la mauvaise façon, mais ce n'est pas à l'outil qu'il faut reprocher de mal faire le travail. Si les théories mathématiques même parmi les plus fondamentales comme la géométrie ou l'arithmétique semblent en effet véhiculer un contenu, c'est à mon sens parce qu'il s'agit déjà de théories proposant de définir des concepts à l'usage des sciences : le nombre ou l'espace. Mais rien n'interdit d'en utiliser d'autres plus abstraits (la théorie des groupes ou la topologie en fournissent à la physique) ni même d'en inventer.

Je ne dis pas que certaines disciplines comme l'économie ne compenseraient pas leur pauvreté conceptuelle par une démesure formelle. C'est fort possible. Je ne dis pas non plus que les mathématiques se substituent au sens (et je dirais même plutôt l'inverse : elles n'apportent pas de sens à elles seules, il n'y a donc pas de sens à opposer mathématique et concepts philosophiques comme le fait Lordon), enfin je ne dis pas qu'il faille les appliquer de manière systématique à tout domaine d'étude, qu'elles constituent un critère de "bonne science", un outil obligé. Je dis juste que c'est une erreur de les considérer comme un langage à part entière. Une grammaire peut-être, un outil de désambiguisation, mais pas un langage.

Mais les concepts alors ? Si une discipline a besoin de concepts, est-ce que ces concepts ne demandent pas à être maniés dans un style d'écriture particulier qui révèle leurs caractéristiques, une "grammaire" propre, justement, qui leur est adaptée ? Utiliser cette grammaire, n'est-ce pas là le seul moyen d'expliciter ces concepts, de les définir par l'usage en quelque sorte (un peu comme Hilbert parle de définition implicite du nombre à propos des axiomes de l'arithmétique) ? Si nous avons à la fois la grammaire et le vocabulaire, alors en effet il est légitime de parler de langage disciplinaire. Et les mathématiques pourraient être un cadre adapté à certains domaines, mais pas à d'autres.

Je suis personnellement très suspicieux à l'idée qu'il pourrait y avoir quelque chose comme des "grammaires incommensurables". Ça laisserait entendre que la forme du discours véhicule à elle seule un contenu plus qu'elle est une convention. En ce sens si je suis d'accord pour dire que les sciences dures ont un langage propre qu'il faut apprendre, et que c'est une barrière à franchir, c'est à mon avis le vocabulaire (les concepts) et non l'usage des mathématiques (la forme adoptée) qui est déterminant dans cette histoire. Que les concepts de ces sciences requièrent un formalisme logico-mathématique pour être exprimés sans ambiguïté (élevant ainsi la barrière d'un cran) est une chose. Que le formalisme logique ou mathématique constitue une "grammaire" spécifique à ces concepts à l'exclusion d'autres, donc un langage parmi d'autres possibles plutôt qu'une forme conventionnelle utile, en est une autre que je ne suis pas prêt à accepter. Différence subtile me dira-t-on, mais elle est importante.

Empirie et scientificité

Il est vrai que les concepts les plus primitifs ne peuvent vraiment être définis autrement que "par l'usage" et c'est une façon d'interpréter la prose d'apparence obscure de certains auteurs, notamment quand ils introduisent des néologismes. Celle ci aurait pour but de nous familiariser avec des concepts qui ne peuvent vraiment être strictement définis sans être trahis. Cependant j'aurai tendance à voir dans ce travail de définition "par l'usage" un travail préparatoire, qu'il revient en général à la philosophie d'effectuer, et qui ne peut être qu'une transition vers un état plus souhaitable où le concept se verrait systématisé dans une structure formelle, du moins si l'on compte fonder une science. À ce titre l'obscurité grammaticale (de style) ne peut être la marque que d'une chose : l'immaturité du concept, elle même peut-être dûe à l'inadaptation de la grammaire naturelle. Inadaptation à laquelle le formalisme mathématique peut, en principe, pallier puisque c'est son rôle. Ce n'est je pense qu'à l'issue d'une formulation rigoureuse, c'est à dire non ambiguë (mais qui peut très bien être faite en langage naturel : pensons aux principes de la théorie de l'évolution) que le concept devient scientifique plutôt que philosophique.

Nous ne disposons pas de critère ultime de scientificité qui distinguerait les sciences de la philosophie, les techniques de l'art. Les méthodes scientifiques sont multiples. Peut-être comme l'avancent certains la science n'est-elle qu'une extension sophistiquée du sens commun, de méthodes d'enquêtes "de bon sens". Pourtant on peut au moins relever un faisceau de caractéristiques partagées qui nous font reconnaître, en général, qu'une discipline est ou n'est pas scientifique, au delà des simples effets institutionnels. Parmi celles-ci les plus saillantes sont la recherche de systématicité et le recours à l'expérience (au sens de constat objectivable).

C'est vrai, toute science repose sur des concepts propres et les sciences sociales n'y échappent pas. Lordon a raison de le rappeler : le constat empirique, même synthétisé par des outils statistiques, ne suffit pas à faire science. Mais ce qui fait d'une science une science c'est sa capacité à articuler concepts et expérience de manière systématique (par l'intermédiaire de la modélisation, au sens large, pas nécessairement mathématique, du phénomène). La charge de la vacuité est justifiée si cette systématisation est absente. Certes le concept n'est pas une chose qui se "vérifie directement" ou qui se donne dans l'expérience (pas plus en physique qu'ailleurs) mais il n'est pas non plus quelque chose qui flotte librement dans le monde déconnecté des idées. Si la façon dont les données empiriques sont "interprétées", embrigadées dans la toile de nos concepts, est laissée au bon jugement du théoricien, à la subjectivité du "grand penseur" (pour le coup élu), alors l'imposture guette.

En bref, ce à quoi les théoriciens des sciences sociales doivent travailler à mon sens s'ils se tournent vers la philosophie, ce n'est pas (ou pas seulement) à l'élaboration des concepts mais à la systématisation de leurs rapports à l'expérience par une forme plus ou moins souple de modélisation du domaine social (par exemple en terme de rapports de force pour les marxistes), ce qui exige rigueur et clarté dans l'application des concepts. Ainsi alors, seulement, le profane sera capable de reconnaître que cette science n'est pas sans objet. Et il n'aura pas à s'en tenir à notre parole ou à l'effet d'autorité que pourrait conférer un langage propre ou un style obscure, car on saura le lui montrer (par la vulgarisation). En effet la systématisation n'est jamais une barrière : c'est au contraire une garantie d'intersubjectivité, ni plus ni moins le gage de l'accessibilité de principe du savoir, de son statut non arbitraire et transmissible. C'est ce gage qui fait de ce savoir une science.

Je ne sais pas si les sciences sociales ont ou non atteint cet objectif de systématisation qui devrait permettre à n'importe qui de reconnaître leur scientificité. J'avais tendance à le croire, peut-être naïvement, et c'est Lordon qui semble ici impliquer le contraire quand il évoque le "ressentiment linguistique". Il est fort possible en outre qu'il existe des difficultés propres au monde social dans l'appréhension des rapports entre concept et expérience (la complexité de l'objet, certaines limites à l'expérimentation, l'intrication inhérente des aspects descriptifs et normatifs ou encore le caractère potentiellement perturbateur de toute théorie sociale sur son objet). Je ne dis pas que c'est facile. En tout cas penser qu'il suffise de se doter de concepts sans chercher cette systématicité dans le rapport à l'expérience, c'est je pense faire fausse route et simplement reconduire les facteurs à l'origine du "ressentiment linguistique".

Conclusion

Voilà en somme mon désaccord avec cet article de Lordon. Si je partage l'idée qu'une discipline scientifique se bâti sur des concepts et que les échanges avec la philosophie sont importants, l'idée qu'il suffirait à la sociologie de se doter de concepts abstraits et d'un langage pour s'ériger en science me semble douteuse. Le fait que Lordon voit dans les mathématiques un simple langage propre à un champ du savoir, celui des sciences dures, qu'il y voit une barrière érigée contre les profanes plutôt qu'un outil de systématisation, me semble assez symptomatique. Qu'il se contente trop souvent d'exprimer des constats dans un style raffiné sans vraiment les appuyer, enfin qu'il défende le seul recours aux concepts comme alternative à la mathématisation me semblent être d'autres symptômes convergents d'une vision erronée de la scientificité. Créer un langage disciplinaire n'est pas une fin en soi : c'est bien l'articulation systématique des concepts avec le monde empirique, qu'elle soit pratique ou théorique, et non la seule discussion de ces concepts, qui constitue le coeur d'une discipline scientifique et qui la distingue d'une philosophie.

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