La conscience n'est pas un phénomène physique

La conscience est-elle physique ? C'est à dire : peut-on rendre compte de l'expérience subjective en tant que phénomène physique ?

La question pose problème : d'une part, pense-t-on, le monde est constitué de matière/énergie et il est inutile de faire intervenir quoi que ce soit d'autre. Nous appartenons au monde, nous en sommes issus. Donc la conscience est un phénomène physique. D'autre part, pense-t-on, l'expérience subjective ne peut pas se ramener à une formule mathématique, elle est plus que ça. Donc la conscience n'est pas un phénomène physique.

Si cette question est problématique, c'est certainement qu'elle est mal posée.


Qu'entend-on par "phénomène physique" ? Un phénomène dont on peut rendre compte par une description scientifique. Qu'est-ce qu'une description scientifique ? C'est une description d'objets dans des termes mathématiques. Qu'est-ce qu'un objet ? C'est un élément de notre expérience subjective, regroupant un ensemble de phénomènes auxquels nous attribuons une certaine stabilité et une certaine consistance. Autrement-dit le qualificatif "physique" s'applique non pas à une catégorie de choses, mais, avant tout, à une catégorie de descriptions. Il va de soi, en ce sens, que la conscience d'un autre que moi n'est pas un phénomène physique : ce n'est pas un phénomène susceptible d'être décrit dans les termes de mon expérience, mais de la sienne...

L'erreur de raisonnement du matérialiste consiste à assimiler l'affirmation que la conscience n'est pas physique à une forme de dualisme. Si elle n'est pas physique, elle est autre chose - disons mentale - donc tu es dualiste. Mais ce n'est vrai que si le terme "physique" est supposé référer à une substance.

L'erreur s'effectue en deux temps. Dans un premier temps, on oubliera le sujet - on oubliera qu'une description scientifique est toujours relative à l'expérience d'un sujet, que c'est ce à quoi elle se ramène finalement. Dans un second temps, ayant éliminé le sujet, on assimilera la description scientifique non plus à une description phénoménale mais à quelque chose qui est. Une fois achevé ce second temps, le terme "physique" renvoie à une substance, et on en vient à croire que puisque des sujets existent, sans l'ombre d'un doute, l'expérience subjective pourrait être un jour décrite en terme scientifique, en terme de ce qui est, comme émergeant de cette substance. Prétendre le contraire, c'est invoquer une seconde substance que la matière - c'est être dualiste. Le matérialiste a indûment éliminé le sujet de sa description et il espère néanmoins l'y retrouver.

Or la conscience, loin d'être absente de la description scientifique y est en fait implicite, puisque le sujet en est le référent ultime, et sans conscience, la description n'existerait pas. Donc ce qui est physique contient déjà la conscience en creux, et il n'y a aucun besoin d'y ajouter un seconde substance : dans une description physique, la conscience, c'est l'observateur de cette description. Et puisque ce qui est physique n'est pas de l'ordre de la substance mais de l'ordre de la description relative à un sujet, alors la substance du monde, ce dont sont hypothétiquement constitués les éléments de mon expérience, ce que j'appelle la matière, n'est pas non plus physique - seule un description de la matière peut l'être.De là il est possible d'affirmer que la conscience est matérielle, qu'elle appartient au monde au même titre que les objets qui m'apparaissent, sans pour autant dire qu'elle est "physique". (Nous rejoignons en quelque sorte le monisme de Bertrand Russel, qui affirme que le mental et le physique sont tout deux d'une substance qui n'est ni mentale ni physique.) Par un renversement de perspective, nous voyons, de nouveau, que la conscience, si elle est matérielle, est exactement assimilable au delta qui existe entre description scientifique et chose-en soi - à la singularité de la matière.


Pour conclure, ce qui est problématique dans la question "la conscience est-elle un phénomène physique", ce qui la rend insoluble en nous imposant le choix "matérialisme ou dualisme", c'est l'assimilation implicite du terme "physique" à une catégorie de substance, c'est à dire l'assimilation de la description des choses et de la chose-en-soi. Si, se plaçant en amont de tout présupposé ontologique, on considère qu'ils sont a priori distinct, alors le problème ne se pose plus en ces termes.

Commentaires

DOC NICHT a dit…
C'est pas très philosophique d'effacer la critique.. :I
Quentin Ruyant a dit…
C'était une invective. Argumentez la prochaine fois...
DOC NICHT a dit…
Hahahaha! Très bon! :D
DOC NICHT a dit…
Ben non, c'était du Wittgenstein.. :D
Xochipilli a dit…
Je ne suis pas sûr d'avoir tout bien compris, mais en tous cas la conscience en tant qu'objet scientifique fait l'objet de bien des expériences scientifiques. Par exemple Stanislas Dehaene explique bien dans son cours au collège de France (2009-2010) comment on peut la caractériser d'un point de vue strictement biologique.
Quentin Ruyant a dit…
Le projet des sciences cognitives est de trouver les "corrélats" physique de la conscience. Ce type d'études est bien sûr réalisable, mais ce qui m'intéresse c'est plutôt le problème philosophique sous-jacent : est-il possible d'affirmer que tel agencement physique est tel expérience consciente ?

Il me semble qu'on a affaire à des niveaux descriptifs de nature différente, l'un public ("à la troisième personne") et l'autre privé ("à la première personne"), et qu'il manquera toujours certaine caractérisation qualitative pour faire d'une description physique une description en terme d'expérience (c'est le "explanatory gap" ).

Si un jour on arrive à décrire la conscience, ce sera plutôt je pense au sein d'une description englobante (tel type d'expérience consciente correspond à tel type de manifestation physique) mais pas purement scientifique.

D'ailleurs si ce n'était pas le cas, le projet des sciences cognitives serait différent... Quand on étudie la digestion, on ne cherche pas de corrélats de quoi que ce soit.
Anonyme a dit…
Avé.
Ho, oui, la conscience,me semble bien etre la cause première ,celle qui tord la matière,l'enèrgie ,le temps ,a sa convenance .
La conscience que nous sentons ,est'elle la conscience integrale qui dirige le corps et ce qui se trouve autour peut etre ?
Pour ma part,j'ai apris a me sèrvir de cela a une epoque lointaine.Aujourd'hui,je n'ai plus besoin de modeler le present pour faire mon futur .Il se construi convenablement maintenant .
UN chouka.
Bye.
Fabien a dit…
"Stanislas Dehaene explique bien dans son cours au collège de France (2009-2010) comment on peut la caractériser d'un point de vue strictement biologique".

Stanislas Dehaene a constamment répété que l'objet de son étude était la "conscience d'accès" et certainement pas la "conscience phénoménale". Il ne nie pas l'existence de la seconde, mais il considère (avec raison selon moi) la première comme étant la seule pouvant être objet de science.

Sur la différence entre consciences "phénoménale" et "d'accès", voir l'article séminal de Ned Block :
http://cogprints.org/231/1/199712004.html

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