Peut-on naturaliser l'éthique ?
A première vue, l’éthique ne sert à rien. Quel sens y a-t-il à affirmer que quelque chose est “bien” ou “mal” ? A quoi ça sert ? Une personne agit toujours en toute liberté de toute façon. Si elle agit d’une façon, c’est sans doute que pour elle, c’est “bien” - ou pas, mais quelle importance ?
Les usages de la morale
Nous pouvons observer différents usages des notions de bien et de mal. En premier lieu, on distinguera un usage sentimental. Elles expriment un sentiment de dégoût, de rejet, de honte, ou bien d’admiration, d’approbation, de fierté à l’égard d’une action. Cependant le sentiment ne suffit pas à définir le bien et le mal. Si quelqu’un fait quelque chose de dégoûtant pour moi (par exemple, il vomit), je ne dirais pas que c’est mal. Si je suis fier d’un acte accompli - par exemple j’ai réussi à réparer le chauffe-eau - ce n’est pas forcément bien sur le plan moral. Il semble que le sentiment est réellement moral s’il ne s’applique pas à l’acte en tant que tel, mais à sa finalité : si la finalité d’un acte me dégoûte, je dirais “c’est mal”, et si la finalité d’un acte me rend fier, je dirais “c’est bien”. Un sentiment moral est donc un sentiment éprouvé non pas à l’égard d’un acte, mais à l’égard de la finalité d’un acte.
En second lieu, on distinguera un usage utilitariste des notions de bien et de mal. Ces notions servent à décrire ou à prédire les aspects positifs ou négatifs de l’issue d’une action. Une chose est bien si elle a des effets qu’on juge positifs, c’est à dire adéquate à un but poursuivit, et donc encore une fois, le jugement moral concerne la finalité des actes, ou plutôt l’adéquation à une certaine finalité. Cependant cette conception ne nous dit pas ce qui est a priori positif et semble mener à une régression à l’infini. Par exemple : il est bien de faire des études, parce que les effets seront positifs, ils permettront de trouver un bon travail, ce qui est bien. Pourquoi ? Parce que ça permet de vivre et de faire vivre sa famille, ce qui est bien. Pourquoi ? etc. En dernier lieu, il faudra bien se ramener au premier usage sentimental du bien pour fixer un point d’arrêt à cette régression, ou bien à une norme du bien, mais cette norme sera elle-même conditionnée par les sentiments. C’est bien parce que c’est adéquat à une finalité dont j’ai le sentiment qu’elle est bien.
En troisième lieu, les notions de bien et de mal sont des généralisations à partir des cas précédents.
L’aspect collectif
On pourrait donc ramener une proposition morale à une proposition descriptive ou prédicative (qui donc idéalement pourrait être scientifique). Sa seule particularité concernerait son objet : le sentiment moral appliqué à la liberté humaine. Mais il semble qu’il manque une dimension importante, sinon essentielle, à cette dimension. Après tout nous échangeons des points de vue moraux, nous argumentons, nous élaborons même des systèmes de justice. Est-ce dans le seul but d’échanger nos sentiments respectifs ? Apparemment non : la morale a aussi une visée collective, voire universelle. Si je me nourrit parce que j’ai faim, ça n’a rien de particulièrement bien, c’est plutôt dans la logique des choses. Mais si je nourrit quelqu’un d’autre qui a faim, alors voilà qui est bien. Sans les autres, si j’étais seul au monde, la morale n’aurait plus de sens.
On pourra de nouveau tenter de ramener cette visée collective aux sentiments moraux, cette fois sur le mode darwinien : ces sentiments moraux dont il est question sont précisément ceux qui assurent la cohésion des groupes humains, et nous les possédons parce qu’ils ont été favorable à notre survie. Une finalité altruiste, contrairement à une finalité égoïste, est jugée bonne parce que nous sommes “cablés” pour la juger ainsi. Nous avons survécu parce que nous étions coopératifs, altruistes, “bons”. Bien sûr la morale n’est pas que cela, mais la morale au sens large, qui inclue raisonnements et réflexions ainsi que nombre d’aspects culturels, ne serait que l’extension de ceci. Au fond, rien n’est vraiment bien. Le bien n’est que l’adhésion naturelle puis culturelle à des règles de vie commune. Cette adhésion a lieu par le biais de sentiments partagés, mais aussi par la réflexion, et donne lieu à des descriptions et à des prédictions : “c’est bien” signifie “ceci est conforme aux règles de vie communes”... Les discussions morales et leurs dimensions universelles ne sont que des tentatives de fondation du vivre ensemble. Il s’agit de la recherche des meilleurs règles de vie commune.
Dépasser l’absurdité morale
Cette vision est problématique. Car comment juger de ce qui constitue les “meilleurs règles”, quel critère collectif du meilleur ? Sauf à supposer qu’une société est un “super-sujet”, le but de la vie commune ne peut donc s’exprimer qu’à travers des buts individuels. Peut-être, encore une fois, le dernier recours est-il le sentiment individuel de ce qui est bien, ou celui du bonheur ? Mais comment établir une mesure collective en l’absence d’un étalon comparatif qui pourrait nous permettre de comparer l’aspect souhaitable ou non de but poursuivis par différents individus ? Il est douteux qu’un tel étalon existe si la notion même de finalité n’a de sens que relativement à un individu. L’utilitarisme est donc problématique dans la mesure ou toute mesure de l’utilité est suspicieuse. Pourtant la mise en place d’une justice ne peut être que bénéfique
La solution consiste sans doutes à s’échapper dans une “méta-morale” qui se refuse à juger du bien ou du mal, mais se contente, partant de l’hypothèse idéale que ces notions sont bien fondées et comprises par les individus, d’aménager les espaces de liberté des différents individus. La morale, en tant qu’universel, ne pourrait faire mieux que de promouvoir la liberté de tous et limiter les empiètements des libertés entre elles. Ce serait un travail d’optimisation. Nous rejoignons ici la conception de la justice de John Rawls, et la notion de “capabilité” : la capabilité, c’est la capacité à définir et réaliser ses buts. La justice est issue d’un consensus sur la base de l’équité : il s’agit de définir les règles de vie communes en faisant abstraction de sa position sociale particulière.
Bien sûr cette solution n’est pas elle même sans poser de problèmes, le principal étant la définition de ce qu’est ou n’est pas un individu sur les cas limites - un enfant, un embryon, un comateux, un mourant, un handicapé mental, un animal... Un second problème se pose quant à l’idéale de définition de règles communes “en faisant abstraction de sa position sociale”... N’est-on pas toujours influencé par sa position sociale ? Est-on autre chose que cela ?
Dépasser l’absurdité morale
Cette échappée dans une méta-morale qui ne se prononce pas sur le bien et le mal ne devrait pas nous dissuader de rechercher une fondation à la morale - ne serait-ce que parce que la méta-morale ne prétend qu’être le cadre d’une telle fondation, non son remplacement. Or refuser de définir de notion de bien ou de mal au delà du sentiment individuel semble confiner à l’absurde. Si le bien, censé représenter notre finalité commune, est défini sur la base de sentiments qui, ont l’a vu, n’ont eux-même pour fondement que leur capacité à favoriser le vivre-ensemble, il semble que la morale tourne çà vide. Si notre but est uniquement d’assouvir nos sentiments, ce sont alors nos sentiments qui nous déterminent : en quoi est-on libre ?
Le problème vient peut être de ce qu’on essaie de refermer le cercle, d’obtenir une vision définitive, statique de la morale. Mais la liberté est tendue vers l’avenir - sa finalité n’est que la liberté à venir. C’est par elle et pour elle que l’avenir n’existe pas encore, que le temps s’écoule. Notre liberté implique une dynamique et l’impossibilité d’obtenir une vision définitive, parce qu’elle est en redéfinition continue. Cet argument peut sembler être une pétition de principe mais il n’en est rien. Nous avons montré dans un autre article que c’est notre statut d’être connaissant qui fonde notre liberté. Si nous sommes capable de prévoir notre propre comportement, alors nous sommes capable de faire l’inverse de nos prédictions. Puisque nous savons que nos sentiments nous déterminent, nous avons la possibilité de les ignorer, de passer outre. Nous avons la possibilité, même, de chercher autre chose qu’un hypothétique bonheur. En quelque sorte, nous avons toujours une longueur d’avance sur ce qui nous détermine, et c’est précisément ce en quoi consiste notre liberté.
Le bien symétrique du vrai
C’est donc de réduire notre liberté à une affaire de sentiment qui s’avère trop réducteur. Notre liberté est un peu plus que ça, puisqu’elle se redéfinie sur la base de ce que l’on connaît. A la lumière de cette rectification, si la morale vise à l’universel, ce n’est pas simplement parce que nos sentiments moraux ont été conçu pour la cohésion du groupe, mais plutôt parce que la liberté n’a de sens qu’au sein d’un groupe. Si je ne vise que mon propre bonheur, je finirai par devoir faire face à la vacuité de l’existence. Vivre pour soi n’a aucun sens. Si nous jugeons des finalités, si nous décrétons qu’elles sont “bien” ou “mal”, c’est en vertu de la recherche d’une finalité universelle, commune, qui nous dépasse, qui nous survit, et qui concerne nous, les autres, l’ensemble des hommes, le monde. La recherche de cette finalité ultime est comparable à la recherche de la connaissance ultime. La connaissance et la liberté sont inséparables, elles renvoient l’une à l’autre, l’une nourrit l’autre.
Pour finir on remarquera une symétrie intéressante entre les notions de bien et de vrai, c’est à dire entre l’éthique et l’ontologie. Toutes deux sont des notions bipolaires. Le vrai est à notre perception du monde, tournée vers le passé, ce que le bien est à notre action sur le monde, tournée vers l'avenir : c’est l’établissement d’une architecture commune sur la base de stabilités. Toutes deux possèdent une exigence de non contradiction à travers l’application des mêmes règles à tous les objets dans un cas, à tous les sujets dans un autre. Toutes deux sont à la fois construites socialement mais à visée universelles. Elles se construisent “à la troisième personne”, par la discussion, la participation, l’adoption de généralisations. Enfin toutes deux semblent osciller entre une épistémologie normative et un pure relativisme.
Les usages de la morale
Nous pouvons observer différents usages des notions de bien et de mal. En premier lieu, on distinguera un usage sentimental. Elles expriment un sentiment de dégoût, de rejet, de honte, ou bien d’admiration, d’approbation, de fierté à l’égard d’une action. Cependant le sentiment ne suffit pas à définir le bien et le mal. Si quelqu’un fait quelque chose de dégoûtant pour moi (par exemple, il vomit), je ne dirais pas que c’est mal. Si je suis fier d’un acte accompli - par exemple j’ai réussi à réparer le chauffe-eau - ce n’est pas forcément bien sur le plan moral. Il semble que le sentiment est réellement moral s’il ne s’applique pas à l’acte en tant que tel, mais à sa finalité : si la finalité d’un acte me dégoûte, je dirais “c’est mal”, et si la finalité d’un acte me rend fier, je dirais “c’est bien”. Un sentiment moral est donc un sentiment éprouvé non pas à l’égard d’un acte, mais à l’égard de la finalité d’un acte.
En second lieu, on distinguera un usage utilitariste des notions de bien et de mal. Ces notions servent à décrire ou à prédire les aspects positifs ou négatifs de l’issue d’une action. Une chose est bien si elle a des effets qu’on juge positifs, c’est à dire adéquate à un but poursuivit, et donc encore une fois, le jugement moral concerne la finalité des actes, ou plutôt l’adéquation à une certaine finalité. Cependant cette conception ne nous dit pas ce qui est a priori positif et semble mener à une régression à l’infini. Par exemple : il est bien de faire des études, parce que les effets seront positifs, ils permettront de trouver un bon travail, ce qui est bien. Pourquoi ? Parce que ça permet de vivre et de faire vivre sa famille, ce qui est bien. Pourquoi ? etc. En dernier lieu, il faudra bien se ramener au premier usage sentimental du bien pour fixer un point d’arrêt à cette régression, ou bien à une norme du bien, mais cette norme sera elle-même conditionnée par les sentiments. C’est bien parce que c’est adéquat à une finalité dont j’ai le sentiment qu’elle est bien.
En troisième lieu, les notions de bien et de mal sont des généralisations à partir des cas précédents.
L’aspect collectif
On pourrait donc ramener une proposition morale à une proposition descriptive ou prédicative (qui donc idéalement pourrait être scientifique). Sa seule particularité concernerait son objet : le sentiment moral appliqué à la liberté humaine. Mais il semble qu’il manque une dimension importante, sinon essentielle, à cette dimension. Après tout nous échangeons des points de vue moraux, nous argumentons, nous élaborons même des systèmes de justice. Est-ce dans le seul but d’échanger nos sentiments respectifs ? Apparemment non : la morale a aussi une visée collective, voire universelle. Si je me nourrit parce que j’ai faim, ça n’a rien de particulièrement bien, c’est plutôt dans la logique des choses. Mais si je nourrit quelqu’un d’autre qui a faim, alors voilà qui est bien. Sans les autres, si j’étais seul au monde, la morale n’aurait plus de sens.
On pourra de nouveau tenter de ramener cette visée collective aux sentiments moraux, cette fois sur le mode darwinien : ces sentiments moraux dont il est question sont précisément ceux qui assurent la cohésion des groupes humains, et nous les possédons parce qu’ils ont été favorable à notre survie. Une finalité altruiste, contrairement à une finalité égoïste, est jugée bonne parce que nous sommes “cablés” pour la juger ainsi. Nous avons survécu parce que nous étions coopératifs, altruistes, “bons”. Bien sûr la morale n’est pas que cela, mais la morale au sens large, qui inclue raisonnements et réflexions ainsi que nombre d’aspects culturels, ne serait que l’extension de ceci. Au fond, rien n’est vraiment bien. Le bien n’est que l’adhésion naturelle puis culturelle à des règles de vie commune. Cette adhésion a lieu par le biais de sentiments partagés, mais aussi par la réflexion, et donne lieu à des descriptions et à des prédictions : “c’est bien” signifie “ceci est conforme aux règles de vie communes”... Les discussions morales et leurs dimensions universelles ne sont que des tentatives de fondation du vivre ensemble. Il s’agit de la recherche des meilleurs règles de vie commune.
Dépasser l’absurdité morale
Cette vision est problématique. Car comment juger de ce qui constitue les “meilleurs règles”, quel critère collectif du meilleur ? Sauf à supposer qu’une société est un “super-sujet”, le but de la vie commune ne peut donc s’exprimer qu’à travers des buts individuels. Peut-être, encore une fois, le dernier recours est-il le sentiment individuel de ce qui est bien, ou celui du bonheur ? Mais comment établir une mesure collective en l’absence d’un étalon comparatif qui pourrait nous permettre de comparer l’aspect souhaitable ou non de but poursuivis par différents individus ? Il est douteux qu’un tel étalon existe si la notion même de finalité n’a de sens que relativement à un individu. L’utilitarisme est donc problématique dans la mesure ou toute mesure de l’utilité est suspicieuse. Pourtant la mise en place d’une justice ne peut être que bénéfique
La solution consiste sans doutes à s’échapper dans une “méta-morale” qui se refuse à juger du bien ou du mal, mais se contente, partant de l’hypothèse idéale que ces notions sont bien fondées et comprises par les individus, d’aménager les espaces de liberté des différents individus. La morale, en tant qu’universel, ne pourrait faire mieux que de promouvoir la liberté de tous et limiter les empiètements des libertés entre elles. Ce serait un travail d’optimisation. Nous rejoignons ici la conception de la justice de John Rawls, et la notion de “capabilité” : la capabilité, c’est la capacité à définir et réaliser ses buts. La justice est issue d’un consensus sur la base de l’équité : il s’agit de définir les règles de vie communes en faisant abstraction de sa position sociale particulière.
Bien sûr cette solution n’est pas elle même sans poser de problèmes, le principal étant la définition de ce qu’est ou n’est pas un individu sur les cas limites - un enfant, un embryon, un comateux, un mourant, un handicapé mental, un animal... Un second problème se pose quant à l’idéale de définition de règles communes “en faisant abstraction de sa position sociale”... N’est-on pas toujours influencé par sa position sociale ? Est-on autre chose que cela ?
Dépasser l’absurdité morale
Cette échappée dans une méta-morale qui ne se prononce pas sur le bien et le mal ne devrait pas nous dissuader de rechercher une fondation à la morale - ne serait-ce que parce que la méta-morale ne prétend qu’être le cadre d’une telle fondation, non son remplacement. Or refuser de définir de notion de bien ou de mal au delà du sentiment individuel semble confiner à l’absurde. Si le bien, censé représenter notre finalité commune, est défini sur la base de sentiments qui, ont l’a vu, n’ont eux-même pour fondement que leur capacité à favoriser le vivre-ensemble, il semble que la morale tourne çà vide. Si notre but est uniquement d’assouvir nos sentiments, ce sont alors nos sentiments qui nous déterminent : en quoi est-on libre ?
Le problème vient peut être de ce qu’on essaie de refermer le cercle, d’obtenir une vision définitive, statique de la morale. Mais la liberté est tendue vers l’avenir - sa finalité n’est que la liberté à venir. C’est par elle et pour elle que l’avenir n’existe pas encore, que le temps s’écoule. Notre liberté implique une dynamique et l’impossibilité d’obtenir une vision définitive, parce qu’elle est en redéfinition continue. Cet argument peut sembler être une pétition de principe mais il n’en est rien. Nous avons montré dans un autre article que c’est notre statut d’être connaissant qui fonde notre liberté. Si nous sommes capable de prévoir notre propre comportement, alors nous sommes capable de faire l’inverse de nos prédictions. Puisque nous savons que nos sentiments nous déterminent, nous avons la possibilité de les ignorer, de passer outre. Nous avons la possibilité, même, de chercher autre chose qu’un hypothétique bonheur. En quelque sorte, nous avons toujours une longueur d’avance sur ce qui nous détermine, et c’est précisément ce en quoi consiste notre liberté.
Le bien symétrique du vrai
C’est donc de réduire notre liberté à une affaire de sentiment qui s’avère trop réducteur. Notre liberté est un peu plus que ça, puisqu’elle se redéfinie sur la base de ce que l’on connaît. A la lumière de cette rectification, si la morale vise à l’universel, ce n’est pas simplement parce que nos sentiments moraux ont été conçu pour la cohésion du groupe, mais plutôt parce que la liberté n’a de sens qu’au sein d’un groupe. Si je ne vise que mon propre bonheur, je finirai par devoir faire face à la vacuité de l’existence. Vivre pour soi n’a aucun sens. Si nous jugeons des finalités, si nous décrétons qu’elles sont “bien” ou “mal”, c’est en vertu de la recherche d’une finalité universelle, commune, qui nous dépasse, qui nous survit, et qui concerne nous, les autres, l’ensemble des hommes, le monde. La recherche de cette finalité ultime est comparable à la recherche de la connaissance ultime. La connaissance et la liberté sont inséparables, elles renvoient l’une à l’autre, l’une nourrit l’autre.
Pour finir on remarquera une symétrie intéressante entre les notions de bien et de vrai, c’est à dire entre l’éthique et l’ontologie. Toutes deux sont des notions bipolaires. Le vrai est à notre perception du monde, tournée vers le passé, ce que le bien est à notre action sur le monde, tournée vers l'avenir : c’est l’établissement d’une architecture commune sur la base de stabilités. Toutes deux possèdent une exigence de non contradiction à travers l’application des mêmes règles à tous les objets dans un cas, à tous les sujets dans un autre. Toutes deux sont à la fois construites socialement mais à visée universelles. Elles se construisent “à la troisième personne”, par la discussion, la participation, l’adoption de généralisations. Enfin toutes deux semblent osciller entre une épistémologie normative et un pure relativisme.
Commentaires
Il s'agit plus de définir ce qu'on entend par bien et mal (quelque chose qui se rapporte aux finalités en général) que de savoir comment on juge d'un acte en particulier (non pas en vertu de sa seule finalité, parce que l'acte n'est pas réductible simplement à une finalité, mais plutôt en vertu de l'ensemble des finalités collectives).
C'est un peu formel tout ça.. Ce serait comme de dire que marcher sur le gazon est EN SOI mal..
Mais qu'il soit compliqué de juger si un acte est bien ou mal ne fait qu'appuyer mon propos : ce ne sont pas les actes qui sont purement bien ou mal mais les finalités (et un acte est un complexe qui ne peux jamais être jugé en vertu d'une seule finalité).